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Beppe Grillo, l’Europe et la révolte italienne

 

 

Je découvre un peu tard la personne troublante de Beppe Grillo, activiste politique et bateleur d’estrade qui dirige depuis quelques années, sous l’oeil captivé des médias branchés américains, la révolte du peuple italien contre sa classe politique, aussi incompétente et épouvantable qu’ailleurs. Il se trouve qu’après les expériences sexuelles de Berlusconi et technocratiques de Monti, les Italiens, comme au temps de Jules César ou de Dante, n’en peuvent plus et demandent autre chose que les partis, la dette, les combinaisons, la soumission et la rigueur éternelle. Enfin, une partie des Italiens. Avec les autres, comme dit Sartre quelque part, cela peut continuer !

 

Beppe Grillo fut acteur (il a pu tourner avec Risi et Comencini), homme de télé, animateur de rue ; il gagne beaucoup d’argent, ce qui lui est naturellement reproché et il incite aujourd’hui le peuple à la rébellion, ce qui lui est aussi sainement reproché. Il me fait penser à Coluche en 1981, lorsque notre comique national, qui trouvait que le racisme, comme les immigrés, ne devrait pas exister, promettait de faire 12 % des voix, y compris celle de Gilles Deleuze, et cela avant que la pression non de la rue mais des sévices secrets et la mort opportune de son directeur de campagne ne lui fissent renoncer à sa tentative.

 

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Je suis allé voir Beppe Grillo sur son blog, convaincu de l’hostilité crasse de Wikipedia (j’en parle en connaissance de cause ; tout ce que cette encyclopédie de la contrefaçon planétaire a écrit sur moi par exemple est mal intentionné et faux, mais tout, y compris la liste des bouquins ou la date de naissance !), et j’y ai trouvé ces bonnes vérités que je ne traduirai même pas tellement elles me semblent cristallines en français et frappées au coin du bon sens.

 

« Gli italiani, questo mosaico di popoli antichi, nei millenni hanno visto tutto, hanno creato ogni cosa. Cinici, distaccati, impermeabili, ma anche pazzi, capaci di invenzioni sociali inaudite. La Storia è sempre passata da queste parti. E noi siamo ancora qui, ancora a Roma per ricominciare ancora una volta. »

Belle périphrase, cette mosaïque de peuples antiques qui a tout inventé, y compris les gouvernements d’extrême-droite inefficaces, et qui d’ailleurs va vite être remplacée par l’africanisation du continent à la botte, c’est le cas de le dire, des commissaires de la mondialisation. 3 000 ans d’histoire vont ainsi disparaître, et sur ordre. Le cynisme italien (« il y avait des scandales... mais il n’y en a plus ! ») est certes à toute épreuve, et ce depuis la Renaissance, le Moyen Age, la Rome ancienne, ce qu’on voudra, y compris la risible monarchie piémontaise et même le fascisme qui après vingt ans de rhétorique guerrière fut incapable d’en faire un peuple de combattants, des Italiens. Mais l’Italie est grâce à Dieu aussi le pays du talent, de l’ingéniosité (on reproche à Grillo sa maison toscane ou sa Ferrari, il faut le faire tout de même ! et pourquoi pas sa femme iranienne ?) et du baroque créateur. On verra si l’agitation de Grillo peut encore réveiller un peuple vieillissant, sclérosé, de plus en plus ennuyé de vivre ; il me fait penser le peuple italien, à la France bien sûr, et aussi à toute la race blanche en général, et cette sensation si bien décrite par Tolkien d’avoir été du beurre étalé sur trop de pain. Bilbo ajoute même alors qu’il a besoin d’un changement...

 

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Grillo écrit très justement ce qui suit sur son blog, un peu à la manière de Soljenitsyne (l’homme de la rue qui ne sait plus s’il est vivant...). Ici encore je ne vois pas l’intérêt de traduire :

 

« L’italiano ha perso l’idea di bellezza, di felicità, persino la coscienza di sé stesso, del suo valore, della sua identità. »

 

Qui dit mieux ? Nietzsche disait déjà que la laideur qui entoure le monde moderne est une laideur destinée à nous faire dégénérer.

 

Grillo défend un concept qui m’est cher, celui de la démocratie communale médiévale, celui qu’aurait dû défendre la ligue lombarde avant d’aller à la soupe et de se lancer dans des délires racistes (je précise : racistes anti-italiens, puisque l’on sait qu’en Europe, entre Hitler et Chamberlain, le racisme s’attaque toujours aux autres blancs, comme d’ailleurs l’antiracisme ; ce n’est pas là le moindre de leurs points communs). Il voit que les partis et le système parlementaire trahissent toujours sur ordre les intérêts du peuple, qu’il a même été mis en place pour cela (lisez ou découvrez le superbe William Hartpole Lecky à ce propos(1)). La grandeur vraie démocratique des municipes du Moyen Age, chère à Tocqueville et Chesterton, pourrait être ainsi recyclée et revitalisée par Grillo et ses électeurs :

 

« Lo Stato siamo noi e ci hanno convinto del contrario, ci hanno persuaso che lo Stato sono i partiti, che sono le banche, Equitalia, che è la burocrazia inflessibile con gli onesti. Ci hanno convinto che la democrazia è essere sudditi (inférieurs), che ribellarsi è populismo, qualunquismo, antipolitica. »

 

L’Etat c’est nous. Nous sommes bien d’accord ! Aujourd’hui l’Etat, ce n’est même pas Louis XIV avec Molière et Lully, l’Etat c’est la grosse commission de Bruxelles chargée de nous ruiner et de nous détruire et excellant à le faire. On verra la suite.

 

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Bonne chance Pepe Grillo, qui nous change de la bouse habituelle et des factices partis populistes et extrémistes qui commencent à nous taper sur le système en France aussi.

Nicolas Bonnal http://www.france-courtoise.info

 


(1) "Democracy and liberty", 1898, disponible sur <archive.org>.

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