Mis en consultation le 29 mars, un projet de décret reporte de 6 mois l’entrée en vigueur des nouveaux programmes d’action français contre la pollution des eaux par les nitrates d’origine agricole au niveau régional. Signe que la France traîne toujours les pieds, alors que Bruxelles a déjà saisi la Cour de justice il y a plus d’un an.
Pour lutter contre la pollution aux nitrates, l’action reste le principal point faible du gouvernement français. Le nouveau dispositif réglementaire promis par Paris pour prendre le problème à bras le corps, sur le plan national et régional, est en effet reporté de 6 mois.
Un projet de décret, mis en consultation le 29 mars, prolonge en effet l’application des actuels plans d’action départementaux dans les zones vulnérables (voir JDLE) jusqu’au 1er janvier 2014 alors qu’ils devaient céder la place, le 1er juillet prochain, au nouveau programme national, complété des programmes régionaux.
«Cette prolongation est nécessaire compte tenu des délais nécessaires à l’élaboration des textes relatifs au programme d’action national et aux programmes d’action régionaux», justifie le ministère de l’écologie dans sa notice d’accompagnement.
«Nous attendions les résultats d’une étude technique sur le stockage, qui ont été rendus en juin dernier. Et les élections professionnelles dans les chambres d’agriculture, à l’automne dernier, n’étaient pas un moment propice pour sortir cette nouvelle réglementation», reconnaît Claire Grisez, sous-directrice de la protection et de la gestion des ressources en eau à la direction de l’eau et de la biodiversité.
Le ministère de l’écologie assure que l’arrêté précisant le programme d’actions national sortira bientôt. Soumis à l’avis de l’Autorité environnementale, qui dispose de 3 mois pour l’examiner, il précisera les conditions d’épandage dans les sols en pente, détrempés, inondés, gelés et enneigés, interdira les épandages à moins de 5 mètres des cours d’eau et précisera l’obligation de couvert pendant les intercultures longues ainsi que les conditions de stockage par type d’effluent et d’exploitation.
Ce texte est d’autant plus important qu’il sera opposable aux agriculteurs mais les programmes d’actions régionaux qui pourront le renforcer ne seront, eux, disponibles qu’à la fin 2013, contrairement aux promesses faites antérieurement par le ministère.
Leur élaboration reste pourtant urgente, puisqu’elle se trouve au cœur de la procédure contentieuse lancée par la Commission le 27 février 2012 (voir JDLE). «Au total, deux procédures sont engagées à l’encontre de la France pour non-respect de la directive du 12 décembre 1991 sur la protection des eaux contre la pollution par les nitrates de source agricole: en matière de désignation des zones vulnérables et de non-conformité des programmes d’action», résume Joe Hennon, porte-parole du commissaire européen en charge de l’environnement.
Selon lui, le délai moyen de traitement d’un contentieux par la Cour européenne étant d’un an et demi, le jugement devrait intervenir au plus tard en août 2013.
Paris se dirige donc inéluctablement vers une condamnation par la Cour de Luxembourg. Et si la décision de justice n’est pas exécutée, c’est une amende allant jusqu’à 20 millions d’euros qui sera alors prononcée. Une facture salée qui s’ajoutera aux dédommagements déjà imposés par les tribunaux français.
Dernier en date, la Cour administrative d’appel (CAA) de Nantes a condamné l’Etat français, le 22 mars 2013, à verser 12.430 € à la commune de Tréduder (Côtes d’Armor) pour le ramassage et le traitement des algues vertes sur ses plages. Cette décision, signalée par l’avocat spécialisé dans l’environnement Arnaud Gossement sur son blog, confirme les décisions passées.
Le 1er décembre 2009, la même juridiction avait condamné l’Etat à indemniser plusieurs associations de protection de l’environnement pour le préjudice moral subi par la prolifération des algues vertes.
Dans leur argumentaire, les juges de la CAA de Nantes citent la première condamnation de la France par la Cour de justice européenne, qui remonte à plus de 12 ans (le 8 mars 2001), pour non-respect de la directive Nitrates (taux supérieur à 50 milligrammes par litre).
Ils mentionnent aussi le rapport de la Cour des comptes du 7 février 2002, accusant les politiques publiques de ne pas avoir préservé les ressources en eau des pollutions diffuses agricoles au cours des années 1994-2000.
Ils concluent aux carences répétées de l’Etat, «constitutives d’une faute de nature à engager sa responsabilité», alors même que les programmes d’action lancés n’ont pas démontré leurs résultats et «ne seront pas en mesure d’améliorer la situation avant de nombreuses années».