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Mariage homo : honneur aux résistants lyonnais !

Mariage homo : Lyon, bastion de la résistance

Reportage. Les Lyonnais multiplient les manifestations contre le projet Taubira. Une mobilisation exemplaire, qui s’explique tant par le dynamisme des associations locales que par l’histoire d’une ville frondeuse.

Jamais on n’avait vu cortège funèbre aussi bruyant et festif ! Casseroles, sifflets et cornes de brume : le 4 avril, à Lyon, alors que s’ouvraient à Paris les débats sur le mariage homosexuel, les adversaires du projet Taubira ont tout fait pour se faire entendre des sénateurs et de l’Élysée. Des enfants, des mères de famille, des grands-parents, beaucoup de jeunes surtout qui chantent et s’époumonent : « Hollande, ta loi, on n’en veut pas ! »

Derrière une grosse caisse battant la mesure de ce joyeux tintamarre, la foule, où s’entremêlent les drapeaux français et les étendards colorés de La Manif pour tous, suit six manifestants portant sur une civière une jeune fille coiffée d’un bonnet phrygien. C’est le peuple de Lyon escortant “Marianne à l’agonie” jusqu’à la place des Terreaux. C’est une insurrection civique, qui se répand partout en France mais que Lyon met en scène avec une incomparable énergie.

Organisateur de ce happening, le collectif En marche pour l’enfance attendait 400 personnes. Il en est venu presque le double. Le 27 mars déjà, plusieurs centaines de manifestants s’étaient massées aux abords de l’Opéra de Lyon, où Christiane Taubira assistait à la représentation d’une tragédie lyrique de Robert Badinter. « Nous sommes tous des enfants d’hétéros », scandaient-ils avec humour. La garde des Sceaux avait eu beaucoup de mal à quitter les lieux sous escorte policière.

C’est Lyon qui détient le record de mobilisation en région contre le “mariage pour tous” : plus de 30 000 personnes y ont défilé lors de la première manifestation, le 17 novembre. Une date choisie dès le 1er octobre par les associations lyonnaises, à laquelle s’est ralliée Frigide Barjot, elle-même originaire de Lyon !

C’est aussi la capitale des Gaules qui a dépêché à Paris le plus fort contingent de manifestants de province, le 13 janvier puis le 24 mars : « Là encore, nous avons fait monter 30 000 à 40 000 personnes chaque fois ! », souligne Jean-Baptiste Labouche, qui préside En marche pour l’enfance. « Et ce n’est pas tout », dit-il en égrenant toutes les actions menées depuis six mois : tractage lors de la fête des Lumières, collage, porte-à-porte, collecte de signatures pour la pétition injustement rejetée par le Cese. Sans oublier le rassemblement de milliers de personnes, le 2 février, place de la Comédie. « Nous ne lâcherons rien », confirme Anne Lorne. Cette jeune femme de 32 ans travaillait il y a peu dans la communication. « Mère de quatre garçons », elle figure parmi les premiers opposants au projet Taubira. « La mobilisation continuera d’enfler tant que le gouvernement fera mine d’ignorer nos arguments. »

Comment expliquer ce dynamisme lyonnais ? Par l’énergie de quelques-uns ? sans doute. Le bureau du collectif En marche pour l’enfance compte une douzaine de membres issus du monde de l’entreprise, à l’exception de deux normaliens, Paul et Gaultier, qui ne sont pas les moins actifs. Marié et père de trois filles, Jean-Baptiste Labouche, 35 ans, dirige plusieurs agences d’intérim et de recrutement. « Nous ne sommes pas des professionnels de la politique, nous ne poursuivons pas un intérêt personnel mais nous partageons tous la même conception de l’action », dit-il. « Nous venons d’horizons différents (le marketing, la banque, la communication…) mais nous parlons le même langage, complète Hugues, consultant en business development. Nous mettons nos compétences respectives au service d’une cause à laquelle nous croyons, en visant toujours l’efficacité. »

Cette rigueur se double d’une imagination fertile. Le renouvellement incessant des actions, qui déconcerte le gouvernement, suppose la maîtrise des réseaux sociaux. « C’est une révolte 2.0 », résume Anne Lorne, qui a pris en charge la communication du collectif. Il a suffi de quelques SMS, dupliqués et retransmis des centaines de fois, pour faire du tintamarre du 4 avril une réussite populaire. C’est aussi par ce moyen qu’un Lyonnais a prévenu ses camarades après avoir repéré Christiane Taubira à l’opéra. Moins d’une heure après l’envoi du premier SMS, près de 500 personnes l’attendaient à la sortie. Une action spontanée que de nombreux manifestants justifient par le mépris du gouvernement.

Professionnels dans l’action, les Lyonnais veulent l’être aussi dans la réflexion. Présidée par le Dr Raphaël Nogier, l’association Cosette et Gavroche a organisé la première journée des États généraux de l’enfant, le 26 janvier. De ce colloque auquel ont participé des médecins, des juristes, des sociologues et des philosophes, elle a tiré un “livre blanc” « que nous avons diffusé auprès de tous les parlementaires, précise Raphaël Nogier. Et tous les maires de France en ont reçu la version électronique ! »

Il faut ajouter un puissant adjuvant à cette exigence professionnelle : « l’amitié » cultivée dès l’enfance ou dans les réseaux associatifs particulièrement denses à Lyon. Jean- Baptiste Labouche a d’abord rameuté quelques copains. L’un, « qui faisait la sono dans les mariages », assure aujourd’hui la sonorisation des manifestations. L’autre, « un costaud », s’occupe notamment du service d’ordre. Mais beaucoup s’y sont ajoutés l’an dernier. « Nous ne nous connaissions pas il y a six mois, racontent Anne, Paul et Gaultier. Ce combat commun a forgé des liens que nous n’oublierons pas. »

À ce cocktail de compétences et d’amitié, nos deux normaliens ajoutent un ingrédient éminemment politique : « Les manifestants ont la sensation de goûter à la souveraineté, disent-ils. Les jeunes la découvrent, les plus âgés la recouvrent, après avoir été méprisés ou tournés en dérision pendant trente ou quarante ans. Ils y ont repris goût. C’est une lame de fond dont on ne mesure pas encore les conséquences : il n’y aura pas de démobilisation. »

Est-ce un hasard si cette alchimie fonctionne aussi bien à Lyon ? Et peut-on voir dans ce mouvement populaire le fondement d’un sursaut national et durable ?

La capitale des Gaules est connue pour son esprit frondeur (on songe au théâtre de Guignol) et les révoltes qui l’ont secouée. Celle des canuts est la plus célèbre. Mais c’est plus encore à sa tradition d’indépendance politique que font référence les manifestants. « Lyon a toujours été géré par des Lyonnais, souligne Raphaël Nodier : ce sont les échevins qui dirigeaient la ville. Nous avons appris au fil des siècles à ne compter ni sur Paris ni sur les autres. Nous ne dépendons ni de ducs, ni de comtes, ni d’un prince. » Une fierté largement partagée entre Saône et Rhône : « Nous ne sommes pas subordonnés au pouvoir central », acquiesce Hugues. Les Lyonnais ne sont pas jacobins.

« Lyon est à la fois une ville de résistance (elle en conserve la mémoire) et une ville qui pense, enchaîne Gaultier. Les étudiants y sont nombreux, en raison de la présence des universités, et chacun peut compléter sa formation ou nourrir sa réflexion dans les cercles intellectuels qui prospèrent à Lyon. »

L’Église — entre autres — a depuis longtemps irrigué cette réflexion, cultivant un catholicisme social que des Lyonnais, comme Frédéric Ozanam, ont contribué à façonner. Fidèle à cette tradition, le cardinal Barbarin, primat des Gaules, a dit en termes vigoureux ce qu’il pensait du projet de loi Taubira dès le mois de septembre.

« Beaucoup de manifestants nous ont confié qu’ils avaient découvert, au cours de ce combat, qu’ils n’étaient pas seuls », souligne aussi Jean-Baptiste Labouche (lire entretien page précédente). « Les gens se sont levés contre un mensonge d’État, qui consiste d’abord à tordre les mots (le mariage, la famille) pour leur donner un sens qu’ils ne peuvent pas avoir, analyse Bénédicte Louis, assistante sociale et vice-présidente de Cosette et Gavroche. C’est cette tyrannie de la pensée, fondée sur l’idéologie de l’indifférenciation sexuelle, que les Français ne supportent pas. »

« Ce qui se joue n’est pas seulement lyonnais, poursuivent Paul et Gaultier : c’est une pièce typiquement française. En Espagne, les manifestations rassemblaient surtout des catholiques. Ici, la mobilisation dépasse largement les rangs de l’Église. Parce que les Français finissent toujours par se rebeller quand il se commet une injustice au sommet de l’État. »

Fabrice Madouas - Valeurs Actuelles  http://www.actionfrancaise.net

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