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L’attitude des catholiques dans les manifestations : Une certaine ligne de crête étroite et ventée

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Laurence Maugest appelle à un rassemblement des catholiques.
Les adversaires de la loi Taubira n’ont pas tous les mêmes attaches philosophiques et religieuses. Mais ils ont tous en commun de croire qu’il y a du divin dans la vie et chez l’homme, et que le monde ne se réduit pas à l’individualisme marchand. Reste que, parmi les participants à la Manifestation pour tous, les catholiques fournissent les gros bataillons. Laurence Maugest analyse ici leur attitude entre affirmation et discrétion et Polémia donne à ses lecteurs son point de vue, point de vue d’une manifestante catholique.
Polémia.

Les événements qui accompagnent l’examen de la loi concernant l’ouverture du mariage aux personnes de même sexe ont révélé très clairement des positions parfois extrêmement antagonistes dans les rangs des catholiques. Il y a, d’un côté, les catholiques intégrés au mouvement de la Manifestation pour Tous et qui ont reçu et suivent pour la plupart la consigne de ne pas montrer d’appartenance religieuse.
Pour certains, être catholique inclut la manière de faire pour ne pas le paraître…

Le catholicisme classique cultive l’œcuménisme et la sacrosainte ouverture. Cela, jusqu’à intégrer dans des cursus de formation à la religion catholique, dédiés à des néophytes, cet esprit œcuménique dès le démarrage de leur initiation. N’est-il pas nécessaire de bien connaître sa religion, d’être bien enraciné dans ses traditions et élevé par sa spiritualité avant de s’intéresser à d’autres cultes ?

Il paraît peu probable que l’on puisse trouver autant d’ouverture chez les juifs ou les musulmans – ce qui est en définitive cohérent et sensé : il est difficile d’imaginer un professeur de français utiliser le temps de son cours à la promotion des bienfaits des mathématiques. Lorsqu’il s’agit de la religion du baptême et de l’immersion, cela est bien incompréhensible.

Alors que se passe-t-il chez les catholiques ?

Les influences psychanalytiques et les représentations sociales ont-elles réussi à persuader les catholiques que nous risquons tous la triste névrose, le cerceau dans les cheveux et la jupe plissée pour nos filles charmantes ? Pour conjuguer ces forces obscures, qui ne proviennent plus du Diable mais seraient sécrétées par un inconscient tumultueux et hédoniste écrasé sous la morale chrétienne, nous devons afficher un ton jeune, le franco-anglais étant vivement conseillé. Il nous faut affuter nos signes extérieurs d’équilibre parfait. Ce qui signifie, à la mode du diktat de l’égalitarisme : faire l’apologie des autres religions et de leurs intellectuels. Pour ces personnes, être catholique inclut la manière de faire pour ne pas le paraître.

Contre la déconstruction des valeurs humaines

Dans cette même résistance contre ce projet de loi, il y a d’autres types de pratiquants. Ils manifestent contre la déconstruction des valeurs humaines (eugénisme, banalisation de l’avortement, mariage de personnes de même sexe, utilisation des embryons à des fins scientifiques…) en mettant très largement en avant leur appartenance religieuse. Ils ont le mérite d’être sincères et congruents. Mais, ont-ils conscience que, dans la société déchristianisée qui est la nôtre, le crucifix est trop souvent perçu comme une « arme » au mieux dérisoire, au pire maléfique ? Même si cela est incompréhensible, voire accablant, pour le croyant, c’est un état de fait dont les raisons sont à chercher dans l’évolution individualiste et matérialiste du monde contemporain.

La désacralisation et la réduction de l’être humain à un amas cellulaire asexué et inculte, sans histoire et « hors sol », sont intimement liées. Les catholiques qui s’assument sont plus courageux que les catholiques masqués, certes, mais, néanmoins, les signes d’appartenance religieuse que les « traditionalistes » affichent ne peuvent plus trouver dans le regard de l’homme du XXIe siècle l’alchimie nécessaire à leur métamorphose en symboles.

Ils demeurent tristement des signes sociologiques, des signes d’une corporation d’hommes jugés sclérosés, rétrogrades au regard d’une idée de modernité qui ne peut, il est vrai, s’appliquer qu’au domaine de la matière. Il s’avère que dans les dimensions plus élevées de la pensée et de la spiritualité, les progrès de l’homme du XXIe siècle sont définitivement incertains.

L’obsessionnelle recherche de modernité

Néanmoins, il nous faut réaliser que cette obsessionnelle recherche de modernité, parfaitement fantomatique et insensée, brouille la lecture de ce qui est fondamental. Sans chercher aucune compromission, en évitant toute lâcheté, ne serait-il pas plus fructueux, tout en se présentant clairement comme catholiques, de dénoncer l’horreur certaine que représente la « chosification » de l’être sans s’attacher uniquement à sa religiosité ? En effet, n’est-ce pas l’intuition que l’homme a du respect qu’il doit se porter qu’il faut éveiller ? Car c’est bien l’intuition de sa singularité sacrée qui se lève contre sa maltraitance. Les agnostiques, les athées ou encore les amnésiques de la question religieuse auront ainsi plus de chance d’être touchés. Engagés dans ce mouvement, concentrés et dégagés du brouhaha ambiant qui vend, à peu de frais, le nihilisme, ils réaliseront peut-être que la parole du Christ aiguise notre intuition au monde et fait de notre dignité une évidence.

Une telle approche ne partirait pas du dogme, trop stigmatisé pour être entendu par l’homme contemporain, mais de la parole vierge du Christ – cette parole qui s’est glissée dans les  rouages de la société où elle se lénifie et perd son rôle capital d’aiguillon de la responsabilité de chacun d’entre nous. Métamorphosée, trop humanisée, cette parole mutée, essorée, crée un état d’esprit qui joue la facilité et transforme l’idée même de charité en permissivité. Il faut revenir à la parole originale qui s’adresse au possible que détient chaque cœur humain.

Révéler la part de divinité dans l’homme

Ce qui rend le christianisme inacceptable à notre époque est qu’il révèle à l’homme sa part de divinité en lui. L’homme de la postmodernité veut bien jouer à se prendre pour Dieu aux manettes de sa haute technicité, mais, lorsqu’il réalise que Dieu est en lui, un Dieu incontrôlable, bien au-dessus de sa très virtuelle toute-puissance scientiste et qu’il ne s’agit plus d’un « jeu », cela le terrifie. L’homme du XXIe siècle, embourbé dans le quotidien, ne peut être que déstabilisé par une telle révélation. Alors, il se perd dans le divertissement, se rehausse dans une agressivité de parade et réduit le christianisme à ses oripeaux sociologiques démunis de l’essentielle spiritualité. C’est là, en quelque sorte, une victoire ultime du matérialisme qui cherche à détrousser, en un même temps, la religion de son âme et l’âme des hommes.

Mais peut-on récupérer ces âmes qui s’ignorent par des signes ostentatoires dont la dimension symbolique reste invisible au plus grand nombre ? Ligne de crête entre une argumentation uniquement dogmatique, inerte, sans vie et la compromission qui porte l’écho du chant du coq. Serait-il possible de débroussailler une troisième voie ?  Loin de « l’humanisme » qui place l’Homme au centre de tout, cette troisième voie serait l’expression de la grandeur potentielle de l’Homme que nous signifient le Christ, les Pères de l’Église et les philosophes chrétiens : le sens qui se révèle à sa tendresse, à sa réceptivité, à  son intuition et en cela rappelle à l’homme qu’il possède bien ces qualités. Il s’avère que l’homme moderne qui a une assurance absolue et puérile en sa technicité a perdu une grande part de sa confiance, voire de la visibilité qu’il devrait avoir de ses qualités d’homme, dépouillées des babioles de sa modernité.

Cette voie serait si singulière que le relativisme dominant et tueur s’écraserait dans sa platitude intrinsèque. Cette voie chercherait la nature de l’homme derrière ses gadgets modernistes et le mènerait vers la contemplation du monde réel qui borde l’émerveillement. Cette approche est à réserver, en premier lieu, aux jeunes avant que ne s’étiole, dans les vapeurs de la virtualité qui les étouffent, leur réceptivité à la beauté et à la complexité du monde réel. Notre société se dédouane de ces dimensions de tendresse et d’amour qui se liquéfient dans « les Droits de l’homme ». Cette délégation de ce qu’il y a de plus grand en nous engendre un contexte d’irresponsabilité et de passivité funestes.

Les Dix Commandements, par leur appel à la vigilance de l’homme, aiguisent sa conscience d’être au monde source de réalisations utiles et respectueuses. On entend trop souvent qu’il faut que l’Eglise se modernise. Assimiler ce souffle incessant de plus de deux mille ans à une bâtisse à réhabiliter et à mettre au « goût du jour », n’est-ce pas engloutir notre dernier espoir de transcendance dans le magma du matérialisme actuel ? La recherche et le rejet du modernisme, en introduisant la notion de temps, ne sont-ils pas destructeurs du sacré intemporel de la présence divine ? En cela, les tensions continuelles entre « les modernistes » et « les traditionalistes » pourront, si elles persistent, être le coup de grâce donné au catholicisme. Le poison vient souvent de l’intérieur…

Lorsqu’il est question de Dieu, le catholique ne doit-il pas, dans ce qu’il est, dans ce qu’il dit, dans ce qu’il fait, se regrouper vers l’essentiel et être le héraut d’un éclat sacré et intemporel ? Afin d’éviter les pièges bêtifiants des représentations sociales que nous imposent les médias, il nous faut nous dégager du monde des apparences et du dérisoire où ils nous tiennent serrés, traverser le miroir, revenir à la déclinaison du verbe être et puiser dans la loi naturelle ce qui nous « anime ».

Laurence Maugest 19/04/2013 http://www.polemia.com
Image : manifestation du 17 novembre 2012
Crédit photo : Civitas

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