Nous vivons vraiment sous une écœurante république. Ce régime destructeur écrase même en nuisance celle des petits hommes qui l'incarnent. Voilà ce que confirmait, une fois encore, la conférence présidentielle du 16 mai. Et, de toute manière, hélas, notre époque restera longtemps marquée par sa très grande capacité d'imposture.
Or, tout cela ne s'est abattu sur ce pauvre pays, ni par hasard ni par un sortilège qui demeurerait inexplicable. Il nous faut donc accepter de revisiter le legs le plus lourd du passé de la France. On doit dès lors observer les stigmates imposés par la Révolution de 1789, par la Terreur de 1793 et par l'affreuse aventure qui s'achève en 1815. Seul cet examen permet de comprendre à quelles sources puisent à la fois la gauche, qui s’en prévaut, et la droite qui s'y englue.
Or, les réseaux un peu artificiels qui monopolisent l'actuelle opposition n'osent guère s'interroger sur la part de rejet qu'appelle cet héritage.
La parution du quatrième et dernier volume de "l'Histoire de la Vendée militaire" de Jacques Crétineau-Joly nous en donne, au contraire, une magnifique occasion. Cette immense enquête, à la fois passionnée, méticuleuse et passionnante, toujours précise et documentée, nous ramène aux éléments fondateurs de la droite française.
Beaucoup plus qu'avec l'Allemagne, c'est la comparaison avec l'Angleterre qui s'impose. Au-delà des vicissitudes que ce pays a connues lui-même, au-delà des tribulations que la politique ministérielle de Londres a imposé aux royalistes, et que Crétineau-Joly expose sans fard, on peut, on doit constater que cette nation a largement bénéficié, pour elle-même, de son rejet des illusions idéologiques du continent.
À cet égard, le grand roman manifeste de Disraëli, "Coningsby", permet de mesurer, en effet la distance qui sépare les conservateurs anglais de ceux qui, en France, se nommèrent si longtemps les "modérés".
En Grande Bretagne l'horreur de la révolution de Paris a conduit et construit l'évolution des "tories". Ceux-ci étaient apparus au cours de la Restauration stuartiste du XVIIe siècle. Au cours du XVIIIe siècle, époque dominée par les "whigs", ils restèrent largement dans l'opposition. Ils deviendront un parti officiellement constitué à l'avènement de Victoria en 1837. (1)⇓
Entre-temps, ils avaient rallié ceux des anciens "whigs", comme Edmund Burke et William Pitt lui-même, qui avaient compris où menait le jacobinisme de la puissance adverse et de ses rares sympathisants outre-Manche. (2)⇓
En France aujourd'hui encore, au contraire, on a pu voir lors des récents rassemblements contre la Loi Taubira de cet hiver des manifestants classés "à droite" qui coiffaient le bonnet phrygien.
Cette pseudo-droite s'est séculairement employée à mettre à l'écart les véritables défenseurs de l'ordre naturel et des libertés. L'embargo et la répression frappèrent successivement les royalistes, requalifiés légitimistes sous Louis-Philippe, puis les catholiques, etc.
Cette exclusion accompagna, au cours de la deuxième moitié du XIXe siècle, la lente conquête culturelle "républicaine". À noter que ce mot fourre-tout est devenu de plus en plus signe de ralliement autour des mots d'ordre et des exclusives du grand-orient de France, officiellement rallié à l'athéisme à partir de 1877.
Or ce phénomène d'épuration par strates historiques successives n'épargne pas les règnes, pourtant si réparateurs à tant d'égards de Louis XVIII et de Charles X. Un chapitre essentiel de Crétineau-Joly, malgré sa pointe d'amertume est précisément consacré à cette Ingratitude de la Restauration. (3)⇓
L'auteur conclut par ce constat : "Le 29 juillet 1830, elle se voyait en face des barricades et des pavés de l’insurrection victorieuse. La Restauration mourait parce qu’elle n’avait pas voulu vivre." (4)⇓
JG Malliarakis http://www.insolent.fr/Apostilles
- ce que décrit "Coningsby" c'est la genèse de ce parti, assemblage et alliance de classes autrefois antagonistes, à l'époque de la "Jeune Angleterre".⇑
- tel Charles Fox baron Holland (1749-1806). Cet ancien ami du duc d'Orléans, admirateur de la révolution, fut un des artisans de l'éphémère paix d'Amiens de 1802. Sur les contacts entre les "Patriotes" de Nantes et les amis de Fox à Londres cf. Crétineau-Joly "Histoire de la Vendée militaire" tome III "Les chouans" 1793-1799 pages 43-47. ⇑
- cf. Crétineau-Joly "Histoire de la Vendée militaire" Tome IV "La Cause des Blancs" 1801-1832 chapitre VII pages 307-348 ⇑
- cf tome IV p. 348
Rappel des quatre tomes de "l'Histoire de la Vendée militaire" par Jacques Crétineau-Joly : Tome Ier "La Grande Guerre de 1793" 432 pages 29 euros ; Tome II "De la Terreur au Concordat" 1794-1799 502 pages 29 euros ; ; Tome III "Les Chouans" 1793-1799 484 pages 29 euros ; Tome IV "La Cause des Blancs" 1801-1832". .⇑