Du sénateur Bruno Retailleau :
"« Terribles sont les points faibles de la force » écrivait le poète polonais Stanislaw Jerzy Lec. Des mots qui sonnent comme un avertissement alors que la France, presque deux ans après la fin de l’opération militaire en Lybie, est de nouveau confrontée à la question du recours à la force dans cet « Orient compliqué » que nous aimons autant qu’il nous inquiète.
Des points faibles, l’usage de la force en Syrie n’en manque pas.
Le premier, et non des moindres, c’est le droit. Parce que la preuve est la condition préalable à toute sanction, rien ne doit être décidé avant les conclusions des inspecteurs de l’ONU. Après la désastreuse aventure irakienne, ce principe de présomption est un principe de précaution : on ne déclenche pas une opération sans certitude absolue. S’il est avéré que le gouvernement syrien a délibérément utilisé l’arme chimique contre son peuple – ce qui n’a rien d’impossible au regard de la nature et des agissements du régime sanguinaire de Damas – la communauté internationale doit naturellement réagir, mais dans le cadre de l’ONU. Car c’est ce cadre que nous avons choisi pour assurer ou restaurer, y compris par la force, la sécurité des peuples et la paix du monde. C’est également dans ce cadre que les solutions politiques doivent être trouvées, dans un dialogue constant avec les puissances aux intérêts parfois différents des nôtres. Avons-nous épuisé toutes les voies de la diplomatie avec la Russie ? La question est d’autant plus légitime que la réunion du G20 à Saint Pétersbourg, est une véritable opportunité pour enrayer la crise syrienne avec le concourt du Kremlin. Parce que la Russie est un acteur incontournable sur le dossier syrien, le Gouvernement Français doit donner toutes ses chances à la négociation plutôt qu’à l’intervention.
Le second point faible d’un usage de la force en Syrie, c’est l’efficacité. En 1998, Bill Clinton avait fait tirer des missiles de croisière sur des cibles en Afghanistan et au Soudan pour affaiblir les groupes terroristes islamistes, puis en Irak suite au refus de Saddam Hussein de se conformer aux résolutions de l’ONU sur le programme d’armement irakien. Ces opérations n’ont rien empêché : ni le développement d’Al Qaeda en Afghanistan et au Soudan, ni le déclenchement de la troisième guerre du Golfe quelques années plus tard, avec les résultats que nous connaissons. La vérité, c’est qu’ajouter des armes aux armes ne constitue pas, en soi, une solution efficace et pérenne. Pire, le recours à la force armée peut être contre-productif, en radicalisant les opinions et en alimentant le discours de tous ceux qui espèrent un « choc de civilisations ».[lire la suite]"