A propos de la loi sur le non-cumul des mandats, à laquelle les sénateurs se sont soustraits, Il y a une chose qui n'a guère été dite dans la presse et qui est pourtant une circonstance aggravante : cette chose rend le dispositif sénatorial particulièrement (et vicieusement) génial, au point qu'il est loin d'être impossible que cela fasse capoter l'ensemble du texte, y compris à l'Assemblée.
Comme toujours quand il est question d'élection des parlementaires, il n'y a pas seulement une loi simple, mais aussi une loi organique. Or, une loi organique relative aux sénateurs ne peut être adoptée par l'Assemblé nationale seule : il faut que le sénat la vote en termes conformes. Ce qui fait que, si l'Assemblée rejette le texte sénatorial (ce qui est assez probable), ce ne sera sans doute pas pour imposer le non cumul aux sénateurs... mais, paradoxalement, pour l'élargir aux députés.
Concrètement, voilà comment les choses peuvent se passer : le texte a toutes chances d'être voté à l'assemblée sans l'exception sénatoriale. Par conséquent, le sénat le refusera. L'Assemblée ayant le dernier mot, la loi sera votée comme cela. Les sénateurs saisiront le conseil constitutionnel et ont de fortes chances d'obtenir la censure de l'article qui les concernent. Or, cet article concernera aussi, désormais, les députés. Par conséquent, les députés, en faisant mine de s'offusquer de la résistance sénatoriale, voteront contre l'interdiction du cumul.
Naturellement, cela dépend du jugement du conseil constitutionnel, mais il est fort probable qu'il soit aussi soumis au gouvernement qu'il ne l'a été pour la loi Taubira (où il y a une présomption sérieuse de penser qu'il a répondu avant de lire la saisine, puisque plusieurs questions, pas tout à fait négligeables, ne sont tout simplement pas évoquées dans sa "réponse"). Ce qui signifie que soit l'Assemblée suit le sénat, auquel cas les sénateurs pourront cumuler; soit l'Assemblée ne suit pas le sénat, auquel cas il est très probable que les députés et les sénateurs pourront continuer à cumuler. Et Hollande pourra s'abriter derrière le conseil constitutionnel pour justifier le non-respect de sa promesse électorale.