De Guillaume Bernard sur Atlantico :
"Certains territoires de la République ont démographiquement basculé avec le changement de nature de l’immigration entre la fin des années 1970 et le début des années 1980 : de travail, elle est devenue familiale. L’INED a pu établir qu’entre 1968 et 2005, les jeunes d’origine étrangère étaient passés, par exemple, de 19 à 57 % en Seine-Saint-Denis, de 22 à 76 % à Clichy-sous-Bois ou de 20 à 66 % à Sarcelles.
Ce changement radical d’environnement social a créé, pour les autochtones, une insécurité culturelle qui les a poussé, pour ceux qui en avaient les moyens, à quitter ces quartiers et, pour d’autres, à mettre en place des stratégies d’évitement (par exemple pour l’inscription de leurs enfants dans les établissements scolaires). Il est raisonnable de penser que des Français vivant dans des lieux qui ne sont pas encore concernés par ce bouleversement démographique et culturel le craigne. [...]
La forte concentration de l’immigration en certains lieux, d’un côté, et le déracinement dû notamment à l’uniformisation des modes de vie à cause de la mondialisation, de l’autre, conduisent nombre de personnes à se juger culturellement agressées. C’est le cas, en particulier, parmi les classes populaires qui sont, d’une part, plus directement que les autres, au front de la cohabitation avec les populations d’origine étrangère et ont, d’autre part, moins de moyens pour résister au nivellement. Alors même qu’ils incarnent l’identité de référence, celle du lieu, nombre de Français se considère acculés à une sorte de résistance. Pour résumer, l’immigration est vécue comme une invasion, la mondialisation comme un déracinement. Il ne s’agit donc pas d’un rejet de l’autre en tant qu’il est différent, mais le refus de la dépossession de ses racines et du fractionnement culturel du territoire."