Article dédié à Jean.
La raison d’être de cet article n’est autre que la satisfaction qui fut la mienne à la lecture d’un article du Cercle non conforme intitulé "Identitaires et dissidents : deux démarches différentes mais pas incompatibles" (1).
Bien évidemment, si je me lance maintenant dans la rédaction d’un tapuscrit, c’est pour émettre quelques nuances quant au point de vue de l’auteur.
1/ Je ne crois pas qu’il faille considérer Alain de Benoist comme identitaire, ce au simple motif qu’il ne les a jamais approuvés. A bien des égards, le fait identitaire se rattache au nominalisme (2), théorie adoptée par notre grand penseur avant qu’il ne la réprouve. Si je reconnais pour autant que notre philosophe fustige l’Etat jacobin, Alain de Benoist serait davantage à sa place selon moi, parmi les dissidents. Tel n’est pas le cas pour les autres penseurs cités tels Pierre Vial, Guillaume Faye, Dominique Venner, Jean Mabire ou Jean-Yves Le Gallou qui, à des degrés divers, peuvent être rattachés à la mouvance identitaire.
2/ La tentative de conciliation entre identitaires et dissidents ne peut que mériter l’approbation dans la mesure où elle ne peut que fortifier la mouvance. Cependant, j’ai la nette impression qu’il existe une incompatibilité, certes pas insurmontable, mais flagrante.
Je me méfie, et l’ai écrit à plusieurs reprises, du fait identitaire.
A titre d’exemple, je rappelle que voici une trentaine d’années, les arabes vivants en France était habillés à l’européene alors que l’on sait et voit aujourd’hui que, justement parce qu’ils sont devenus identitaires, ils sont habillés désormais comme l’on sait et voit.
Je me souviens aussi que Chti, dès le début des années 90 – Le bloc identitaire n’a rien inventé puisque bien postérieur – nos Polonais d’origine se revendiquaient dans le Nord de leur polonité. Le fait identitaire n’est donc nullement une saine réaction de certains Européens, même si cela y ressemble, mais plutôt une collaboration au nouvel état d’esprit fortement lié à la postmodernité, les polonâtres en question étant très à l'aise au sein du monde postmoderne.
Après tout, on ne s’étonnera de l’origine américaine – et là, il y a opposition frontale avec le monde des dissidents – du mouvement. C'est ainsi que chacun des Etats américains dispose d’une forte autonomie (ce n’est nullement rédhibitoire), assez méfiant vis-à-vis de l’Etat fédéral. N’omettons pas non plus toutes ces villes américaines disposant de quartiers identitaires (juifs, noirs, irlandais, allemand, depuis bien longtemps, nous montrant bien que le phénomène est bien en Europe, phénomène d’importation.
Il existe entre la globalité et le fait identitaire, la même différence qu’entre le groupe et l’individu. C’est donc bien d’individualisme dont il s’agit, cette fois ci étendu à plus grande échelle et en ce sens, tout à fait conforme au nouvel état d’esprit ambiant hédoniste. Moi-même qui suis du Nord, y ayant vécu pendant quarante cinq ans, j’ai des souvenirs très émus quant à certains lieux. Si d’aventure je venais à célébrer ces origines au point d’en faire un leitmotiv, c’est évidemment à MOI que je ferais alors référence.
La politique et notamment le prosélytisme reposent sur l’irrationnel que Georges Sorel a résumé par l’intermédiaire du terme de « mythe ». Les foules, rebelles à la rationalité, sont le plus souvent mobilisées par les appels du cœur plutôt que par ceux de la raison. Platon n’écrivait pas autre chose voici près de 2500 ans. D’où l’intérêt des petites phrases, images et video chocs qui parviennent bien mieux à mobiliser que ne le font les analyses sérieuses, ces dernières passant pour – je reprends le terme à la mode – « prise de tête ». Il n’en reste pas moins que l’action politique, même irrationnelle, se doit d’être pensée rationnellement. A titre d'exemple, Valéry Giscard d’Estaing savait le côté « violons » de François Mitterrand en 1974, d’où la préparation par ses conseillers spécialisés de la phrase irrationnelle et par la suite fatale « vous n’avez pas le monopole du cœur » qu’il plaça au bon moment. Réponse du berger à la bergère en 1981, François Mitterrand dont on disait en raison de sa déjà longue carrière qu’il était un « homme du passé » fit travailler ses hommes sur le sujet. On connait l’histoire : à l’attaque giscardienne lors du grand débat de l’entre deux tour de la présidentielle de 1981 du « vous êtes l’homme du passé », un contre missile – fatal lui aussi -, faussement spontané fut renvoyé : « vous êtes l’homme du passif ».
Autrement exprimé, si l’irrationalité en politique se doit d’être utilisée, elle se doit d’être pensée rationnellement. Je n’ai jamais nié que l’idée d’Europe me plaisait et plus spécifiquement celle d’empire européen. Le modèle à mes yeux est peut être celui du Saint Empire Romain Germanique, garantissant de fortes autonomie locales. On peut alors se demander pourquoi je n’en fais pas davantage état. La raison en est justement la rationalité qui me fait savoir que Bruxelles l’européenne, souhaite démolir les Etats nation et que, par voie de conséquence, je dois m’y opposer parce qu’opposant lucide. Après tout, et c’est là encore où je ne me reconnais pas dans l’identitaire lambda, je n’ai jamais considéré que l’engagement politique avait pour vocation de m’offrir des vapeurs. De façon cohérente, ce n’est donc pas l’Etat jacobin que je défends comme finalité, mais comme un simple moyen en vue de freiner le processus d’occidentalisation en cours.
Un identitaire dissident, puisque c’est la raison d’être de l’article écrit dans le cadre du cercle non conforme, se doit pour l’instant, de maîtriser son moi et ses aspirations, sans l’oublier, de façon à mieux le mettre en exergue lorsqu’il sera temps. Je crains qu’il ne faille malheureusement attendre longtemps avant de revendiquer tous nos rêves, tant l’adversité est omniprésente.
Philippe Delbauvre http://www.voxnr.com/cc/tribune_libre/EFlZFkFlkAXWEhHPcn.shtml
notes
(1) http://www.voxnr.com/cc/tribune_libre/EFlyuFuFlkRpSUQiuV.shtml
(2) J’oscille toujours aujourd'hui entre Réalisme et Conceptualisme.