Les écueils se multiplient pour celle qui se voyait déjà maire de Paris, étape obligée vers la présidence de la République à laquelle elle pense tous les matins en se coiffant. La solidité psychologique et la force de travail de Nathalie Kosciusko-Morizet ne suffiront pas à contrebalancer ses principaux défauts : l'absence de convictions et un certain autisme dans l'action politique.
Bien plus brillante que la falote Anne Hidalgo, NKM néglige dans cette campagne l'importance du collectif et les exigences du rassemblement. Première épine : le Ve arrondissement, celui de Jean Tiberi. Lors de l'inauguration de la permanence de sa candidate, l'inconnue Florence Berthout, rue Monge, le lundi 6 janvier, il y avait plus de journalistes que de militants pour saisir l'image de François Fillon, député de la circonscription, daignant descendre de sa berline noire avant de prodiguer quelques mots d'encouragements à cette élue du Ier arrondissement, habitant dans le XVIe mais parachutée rive gauche par le fait de la princesse. « C'est alimentaire pour cette pauvre Florence », lâche comme une excuse un ancien conseiller libéral de Paris qui ajoute dans la foulée : « De toute façon NKM a déjà perdu. » Ambiance.
Deuxième épine, qui aurait pu être la réponse de la Manif pour tous aux positions libertaires de NKM : l'entrepreneur catholique Charles Beigbeder. Furieux que NKM ne lui ait pas trouvé une place, piégée qu'elle est par ses alliés fillonistes (Beigbeder est proche de Jean-François Copé). Résultat : notre sémillant quinquagénaire s'allie avec la très centriste, voire gauchiste, Géraldine Poirault-Gauvin, dissidente UMP dans le XVe et pire encore avec Jacky Majda, ancien responsable Modem dans le quartier du marais, fervent promoteur du « mariage » homosexuel. Qu'allait donc faire Beigbeder dans cette galère ! Drôle d'attelage s'auto-congratulant place de l'Hôtel de ville, à l'heure même où dans l'immense salle des fêtes rococo de la mairie centrale, Bertrand Delanoë présentait pour la dernière fois ses vœux aux élus parisiens et à ses collaborateurs. Beigbeder annonce être candidat dans le VIIIe arrondissement, où il devra obtenir plus de 33 % des suffrages pour être élu Conseiller de Paris et où il affrontera la liste de Martine Mérigot de Treigny (UMP) soutenu par François bel (CNTP) maire sortant, trente ans de mandat derrière lui, et opposant virulent au mariage pour tous. La chute sera rude pour Beigbeder au soir du 30 mars.
Troisième épine : le bon score attendu du Front national. Le Journal du dimanche du 5 janvier donne le FN à 9 % d'intentions de vote pour les municipales à Paris. Lors du premier tour de l'élection présidentielle 2012, Marine Le Pen n'obtenait que 6,20 % des suffrages. Ce chiffre attribué à la liste menée par Wallerand de Saint-Just devrait permettre au parti de faire son retour au sein du Conseil de Paris.
En effet : l'élection à Paris, ce sont en fait vingt scrutins d'arrondissement très différents. Le 1er arrondissement n'élit qu'un conseiller de Paris, tandis que le XVe, le plus peuplé de la capitale en nomme 18. Là où il faut obtenir 50 % des voix pour obtenir un conseiller de Paris dans le premier cas, il suffit d'atteindre 10,01 % des voix au second tour pour être élu dans le second cas. Wallerand de Saint-Just se présentera donc dans le XVe arrondissement et non dans le XVIIe arrondissement (qui fournit 12 conseillers de Paris) où il aurait dû obtenir 14,29 % pour siéger à l'Hôtel de Ville.
Quels arrondissements pour le FN ?
Le FN rêve d'obtenir un groupe (5 élus minimum), soit un temps de parole correct et des moyens humains et financiers importants. Deux types d'arrondissements peuvent l'y aider. D'abord les grands arrondissements de l'ouest, où le vote de la bourgeoisie conservatrice est important: le XVe, le XVIe et le XVIIe. Dans le XVe, où se présentera Anne Hidalgo comme tête de liste de la gauche, une triangulaire avec le FN peut seule mettre en difficulté le député-maire sortant Philippe Goujon (proche de François Fillon), à la tête d'une liste UMP-UDI-Modem. Goujon compte paradoxalement sur son ancienne suppléante, Géraldine Poirault-Gauvin, pour limiter les risques d'un FN à plus de dix pour cent.
Les gros arrondissements où l'importance de l'immigration se fait sentir sont le XVIIIe, le XIXe et le XXe. Le XVIIP enverra 15 élus au Conseil de Paris, les deux autres éliront 14 conseillers de Paris. Trois configurations où il faudra obtenir 12,51 % pour obtenir un siège de Conseiller de Paris. Il est probable que dans le XXe, le Front national soit devant l'UMP et devant le dissident UDI, Raoul Delamare. Dans ce dernier arrondissement le FN a intelligemment investi un commandant de CRS en activité, Jean-Louis Chabaillé. Dans le XVJJT, c'est un énarque, ancien collaborateur d'Alain Juppé (qui fut élu de l'arrondissement avant de partir à Bordeaux), Philippe Martel, qui conduira la liste du Rassemblement Bleu-Marine. Dans le XTXe, on parle de Michel Bulté, ancien maoïste, mais surtout ancien maire RPR de l'arrondissement.
N'oublions pas, au sud, le XIIIe arrondissement où Marine Le Pen avait réalisé son meilleur score en 2012 : 7,43 % des voix. L'UMP y a abandonné la tête de liste à la centriste Edith Gallois.
Le FN est donc susceptible d'obtenir deux conseillers de Paris, probablement dans le 15e et le XXe. Les experts électoraux estiment qu'un groupe FN relève encore de l'utopie. Mais le bon score attendu du FN fera mal à l'UMP et contribuera fortement à empêcher la victoire de NKM.
Antoine Ciney monde & vie 14 janvier 2014