Nous constatons, depuis quelques mois, un phénomène renversant qui fait peur aux socialistes et, disons-le, à toute la classe politique. Une part non négligeable des immigrés se détourne des politiciens de gauche pour observer de près ce peuple français qui n’abdique pas ses racines et son histoire. Celui qui veut croire, contre le fameux « progrès immuable », que la famille est encore l’avenir de l’homme et la France celui de l’Europe.
Quelles sont les raisons qui poussent à un rapprochement impossible des gens qui, jusque-là, s’étaient jugés réciproquement infréquentables ? J’en vois quatre…
La première et la plus vieille est une lassitude face à la délinquance qui, comme l’a dit ici même Xavier Raufer, touche en premier les familles des cités. Ce sont elles qui observent les trafics, et si certains en profitent, d’autres sont blessés dans leurs manières de vivre et de s’intégrer. Ceux-là sortant à l’extérieur des quartiers ressentent combien cette délinquance accentue la défiance des « Français de souches » et s’en insurgent.
La deuxième est le démantèlement de la famille traditionnelle entrepris par le gouvernement. Il est évident qu’issue d’une culture où l’on respecte les « chibanis », où le rôle de l’homme et de la femme sont aussi différents, une telle population a du mal à accepter les changements sociétaux qui conduisent au « gender » et à l’euthanasie. Aussi observe-t-elle avec intérêt, quand elle n’y participe pas, les réactions de la Manif Pour Tous face à la mainmise de l’État sur les enfants. Farida Belghoul en est le meilleur exemple.
Une part des immigrés se détourne des politiciens de gauche pour observer ce peuple français qui n’abdique pas ses racines et son histoire.
La troisième, plus ponctuelle, est l’acharnement de Valls contre Dieudonné. On l’a bien vu avec les sondages qui ont fait chuter dans le cœur des Français notre ministre de l’Intérieur. L’humoriste, par son antisionisme frôlant l’antisémitisme, a rallié à lui des jeunes qui, par esprit de clan, se sentent concernés par l’Intifada. Or, Dieudonné s’est bien gardé de confondre l’État et la nation. En proposant à ses affidés de participer à la manif Jour de colère, son message était simple : on vous instrumentalise avec l’antiracisme, les gens de gauche vous utilisent comme piétaille, ouvrez les yeux, vous avez autant le droit que d’autres d’être des patriotes.
Dernier point, plus psychologique. Difficile pour des nouveaux citoyens d’aimer un pays qui se dévalorise lui-même aux yeux de l’étranger. Un pays qui vous apprend que tout devient universel et que la notion de patrie n’est qu’une vieille peau dont il faut se séparer pour participer aux agapes de la mondialisation. Or, depuis un an, les manifestations continuelles de millions de personnes, drapeaux tricolores à la main, ont montré que les Français, attachés à leur terre hexagonale, refusaient ce message. Autant on méprise dans la mentalité d’Afrique (du Nord ou subsaharienne) un pays qui renie racines et histoire, autant on accepte de s’intégrer dans une nation renouant avec son passé glorieux. Cette même idée entraîna tirailleurs spahis ou goumiers à servir, non par pure obligation, mais par fierté dans l’armée française.
En conclusion : jusqu’où peut aller une telle alliance de circonstance ? Peut-elle résister aux méfiances réciproques ? Les mois et années qui viennent nous le diront, mais c’est avec curiosité et sympathie que je constate ce phénomène où le creuset d’une nation rapproche nouveaux et anciens habitants sur un même territoire.
J.-P. Fabre Bernadac dans Boulevard Voltaire