Certaines estimations indiquent que les listes FN-RBM pourraient être en position d’arbitre dans environ 90 des 240 communes de plus de 30.000 habitants. Une hypothèse qui n’a peut être pas échappé à Pascal Canfin, ministre délégué EELV en charge du Développement, qui était mercredi l’invité de l’émission Question d’info LCP/FranceInfo/AFP/Le Monde. Il a repris à son compte l’accusation formulée depuis longtemps par la droite, RPR-UDF hier, UMP aujourd’hui, vis-à-vis de la gauche en général et du PS en particulier. A savoir que la montée en puissance des intentions de vote en faveur du FN, si elle se confirme lors des élections municipales les 23 et 30 mars, pourrait servir les intérêts de la gauche en lui permettant, de sauver quelques unes de ses mairies. Assumant le «cynisme» de cette analyse, M. Canfin explique: «Il y a des triangulaires avec le FN (…). A partir de là, vous savez aussi bien que moi que cela peut changer le résultat du deuxième tour et auquel cas, s’il y a des triangulaires, des candidats de gauche peuvent être élus». Est-ce si certain, à la lumière notamment des enseignements des dernières partielles où le PS fut éliminé par les candidats du FN?
Ce qui est aussi une évidence, c’est que les deux principaux partis européistes, en dehors des défis homériques et des oppositions souvent artificielles qui sont de mises lors des périodes électorales, préfèrent de très loin, continuer co-gérer ensemble communes, régions, collectivités et autres assemblées, sans introduire le loup FN dans la bergerie.
Une opposition nationale, comme c’et déjà le cas dans les conseils régionaux, au parlement européen où elle a des élus, qui pourrait y dénoncer bien des collusions voire des turpitudes. Une opposition patriotique qui pourrait aussi, surtout, en gagnant des mairies, y faire la preuve de sa compétence, de son sérieux, de sa crédibilité. Et ce scénario là serait assez catastrophique pour le Système qui se partage gâteaux, prébendes et privilèges, souvent au détriment de la prospérité et des intérêts des Français.
Enfin, et ce constat vaut autant pour les souhaits hypothétiques de la gauche exprimés par Pascal Canfin que pour la propagande oiseuse de l’UMP tendant de faire croire à une complicité objective entre le FN et le PS, les enquêtes d’opinions qui se succèdent observent des bouleversements qui remettent en cause leurs analyses.
D’abord parce que lesdites enquêtes indiquent que le vote FN n’est plus seulement l’expression d’un ras-le-bol, d’une volonté toute simple de faire un bras d’honneur au Système, d’une révolte sans suite contre les partis des coquins et des copains et leur double-langage, mais aussi un vote d’adhésion à des idées. Cela implique que ces Français là veulent logiquement et légitimement que le programme du Front, en tout ou partie, puissent être appliqué.
Nous évoquions dernièrement sur ce blog, le Baromètre Opinion Way/Cevipof sur la confiance politique, paru en janvier 2014 qui a révélé le fossé grandissant entre le peuple Français et les écuries électorales, les personnalités qui se partagent le contrôle des institutions.
Selon ce baromètre, moins d’un tiers des Français fait confiance à une UE survendue comme notre horizon indépassable par l’UMPS; 50% des sondés ne croient plus à la démocratie et souhaitent être gouvernés par « un homme fort qui n’a pas à se préoccuper du Parlement et des élections »; 69% jugent ainsi que la démocratie ne fonctionne pas bien; 75% de nos compatriotes ne font plus confiance ni à l’Etat, ni à la République; 88% rejettent les partis politiques.
Le FN répète depuis des décennies que le vrai clivage n’est plus tant entre la droite et la gauche, mais entre d’un côté les défenseurs de l’identité et de la souveraineté nationales et de l’autre, les partis communiant largement dans la même idéologie supranationale. Cette certitude fait son chemin puisque trois Français sur quatre considèrent que les « notions de droite et de gauche ne veulent plus rien dire » tandis que 60% affirment « ne plus avoir confiance ni dans la droite ni dans la gauche pour gouverner».
Autre grosse difficulté, à la fois pour les dirigeants du PS et leurs clones progressistes de l’UMP, l’enquête BVA publié en septembre 2013 indiquait que 70% des sympathisants UMP sont favorables à la « normalisation du FN ». Une étude récente YouGov pour Itélé, soulignait aussi la perméabilité des électeurs UMP aux idées frontistes ou à tout le moins leur volonté de faire battre la gauche socialo-communiste. Ainsi 50% des sympathisants UMP seraient favorables à des accords de désistement au second tour avec le FN (60% des électeurs frontistes y seraient aussi favorables, et seulement 16% des électeurs UMP déclarent qu’ils ne voteraient probablement plus à droite en cas d‘accords électoraux avec le FN.
Autant dire que le PS et l’UMP pourraient bien très rapidement remballer leurs certitudes…