En France, tout est spectacle. […] On ne baisse jamais le rideau sauf – gag ! – pour les intermittents qui deviennent grévistes à temps complet. Mais ils respectent la chorégraphie nationale qui permet, au royaume de la Reine Égalité, à ceux qui jouissent déjà de privilèges de s’octroyer le droit de pourrir la vie des autres. Le régime des intermittents coûte à ceux qui ne le sont pas 320 millions d’euros. S’il s’agissait uniquement de consolider une profession précaire qui assure la continuité et le rayonnement de notre culture, comme cherche à le faire croire le ministre, on pourrait être compréhensif, mais chacun sait que les premiers bénéficiaires du système sont les grandes chaînes de télévision, et éventuellement leurs émissions débiles.
Est-ce une raison pour les autoriser à anéantir le travail des autres et gaspiller les deniers publics qui permettent à la France de se couvrir de festivals ? J’ai assisté au massacre de ceux-ci par les intermittents en 2003, sans le moindre respect pour les organisateurs, pour les artistes et les techniciens qui voulaient travailler, pour le public, et notamment les étrangers venus spécialement à Aix ou à Avignon, aux yeux desquels on n’hésitait pas à donner la pire image de notre pays. Une minorité qui, par sa situation, peut prendre en otage une partie de la population et faire chanter la République à défaut de chanter elle-même, est-ce digne de la France ? Non, mais c’est l’une de nos mauvaises habitudes.
Une fois de plus, la SNCF est en grève. Forts de leur sécurité d’emploi et de leurs avantages sociaux, notamment une retraite précoce, des « agents » d’un service public vont gêner les salariés des entreprises privées afin que le mammouth ferroviaire retrouve une unité qui maintienne la concurrence à la frontière. Rien n’éveille plus le patriotisme chez certains que la sauvegarde de leurs privilèges !
Le patriotisme va pouvoir, d’ailleurs, déployer ses bannières en direction du Brésil. Les Français vont se sentir vibrer en proportion des buts marqués par les Bleus. […] Que onze millionnaires souvent employés par de grands clubs étrangers jouent en virtuoses avec un ballon n’a aucun rapport avec notre pays, sa situation ou son avenir. […]
C’est par le spectacle que notre Président s’applique à reconquérir l’opinion. Faute d’agir efficacement sur le présent, il ressuscite le passé, il commémore. […] François Hollande s’est félicité que tout le monde soit venu et que l’Américain et l’Ukrainien aient parlé au Russe. Il faut maintenant en attendre les retombées diplomatiques réelles. La célébration du 6 Juin est aussi, pour un regard lucide, l’occasion de se rappeler que, si la scène des événements historiques était française, les acteurs essentiels étaient étrangers, même si le général de Gaulle avec la Résistance, le commando Kieffer et la 2e D.B. a permis à notre pays de sauver son honneur sur ce théâtre d’opérations.
Une fois de plus, la SNCF est en grève.
Il reste le cirque ou le music-hall. Ce sont les domaines de nos décidément trop chers politiciens. La débandade du PS, la guerre civile des ambitieux sans talent à l’UMP faisaient la part trop belle à un FN dédiabolisé.
Le vieux chef, en chahuteur invétéré, fatigué déjà de jouer les seconds rôles et ulcéré par le petit tour habituel de « politiquement correct » des membres du show-biz qui veulent soigner leur réputation, s’est laissé aller à un de ces mots douteux dont il a le secret. Il s’agit d’un jeu qui se répète depuis des années. Les uns diabolisent pour détruire et pour exister. L’autre se diabolise pour ne pas disparaître. Un pays sérieux ne devrait pas accepter que son débat politique se situe à ce niveau. […]
Christian Vanneste dans Boulevard Voltaire