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Les bobos enfin démasqués

Les approches anecdotiques du problème de l’invasion du cœur de Paris par les « bobos » ne manquent pas particulièrement. Ces approches ont d’ailleurs tout pour leur plaire, aux bobos : elles sont superficielles, frivoles, futiles. On tiendra ici un autre langage, ayant une certaine prétention à la densité et même, horreur, à l’expression de la vérité.

La « bourgeoisie bohème » constitue un cas particulier de population urbaine blasée. On a déjà connu dans le passé des coteries de riches oisifs blasés s’excluant plus ou moins volontairement du sérieux de la vie de la cité et de sa politique et ne vivant plus que d’une existence capricieuse, ludique et irresponsable. Mais à l’intérieur du genre « urbains blasés » les bourgeois bohèmes parisiens ont quelques spécificités qu’il faut nommer explicitement.

D’abord ce ne sont pas de grands esprits blasés : ce sont des petits bourgeois en situation de concurrence tentant de jouer aux grands décadents, et ce qui fut parfois grandiloquence, paradoxe, magnificence, devient chez eux mesquinerie, névrose, hystérie. Petits bourgeois blasés en concurrence : cela veut dire aussi que leur comportement capricieux et irresponsable n’a rien de spontané de « bon enfant » ; les « bobos » sont des capricieux et des irresponsables calculateurs qui mettent toute leur intelligence au service de leur comportement tordu ; or l’intelligence développée et même hypertrophiée dissociée de l’éthique et au service du glauque et du morbide, cela se nomme déséquilibre mental, ou perversion.

Mais, plus encore, les « bobos » ont choisi de rompre avec la logique et la raison, avec l’éthique et la politique, et ne se meuvent plus que sur le terrain de l’esthétique, du regard. Nous y voilà : les « bobos » constituent avant tout un peuple de voyeurs à temps plein. Ils sont ceux qui n’ont nullement l’intention d’intervenir dans le monde pour le rendre plus humain. Pour eux ce monde est un spectacle et le clou de ce spectacle, c’est le malheur et la souffrance des petits, des faibles, des sans défense, de ceux qu’ils disent « ploucs » ou « ringards », des non-bobos en un mot.

Jacques-Yves Rossignol

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