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L'honneur du peuple français en Corse ... selon Natacha Polony

Ce qui est affirmé ici, à notre avis avec raison, c'est que les villageois corses qui ont manifesté devant les médias leur refus de voir s'installer dans leur île des comportements qu'ils jugent inacceptables ont fait preuve de citoyenneté [Figarovox, 19.08]. Ceci ne vaut pas de notre part soutien à l'indépendantisme corse et pas davantage aux activistes qui le prônent. Naturellement ! Mais nous ne voulons pas confondre les plans. Natacha Polony nous paraît en l'occurrence avoir raison de voir dans la réaction corse la manifestation d'un esprit citoyen que, soit dit en passant, on aimerait bien retrouver chez nos compatriotes continentaux. Les Corses ne sont guère animés par cet esprit exclusivement et sottement compassionnel que politiques et médias ont imposé aux Français en général. Et c'est tant mieux. Peut-être ouvrent-ils là une voie salutaire.  LFAR

Le voile s'est posé sur nos mots, bien avant que de s'inviter sur nos plages. L'altercation qui, depuis une petite crique de Corse, est venue mêler ses remous à ceux d'un été déjà tempétueux est plus intéressante encore par les mots employés pour la relater. Ainsi, la très grande majorité des commentateurs, reprenant tout simplement une dépêche de l'Agence France-Presse, a d'abord parlé de « tensions en Corse après une rixe entre communautés corse et maghrébine ».

N'importe quel jeune journaliste sait - ou devrait savoir - ceci : les faits n'existent pas. Il n'existe que le récit de ces faits, et les mots pour le dire valent en eux-mêmes interprétation. Encore faut-il percevoir les nuances du vocabulaire français et comprendre qu'elles sont parfois porteuses d'idéologie. Mais non. Aucun commentateur n'a semblé gêné par cette phrase reprise comme une évidence. Si ladite rixe avait eu lieu à Saint-Raphaël ou au Lavandou, aurait-on parlé de heurts entre « communautés provençale et maghrébine » ; à La Baule ou à Paimpol, de heurts entre « communautés bretonne et maghrébine » ?

Ce mot de « communauté » employé le plus souvent comme une facilité de langage, pour s'épargner une phrase plus précise, envahit la parole médiatique jusqu'à l'absurde. Et, ce faisant, s'impose ce que justement l'islam politique cherchait à nous faire accepter : l'idée que la France serait composée d'entités diverses pouvant faire valoir leur égale légitimité à suivre leurs coutumes propres et à revendiquer des droits. Il n'y a plus de citoyens de confession musulmane, mais une « communauté musulmane » (forcément solidaire ?). Il n'y a plus de citoyens de confession catholique, mais une « communauté catholique ». Plus de Maghrébins ou de Français d'origine maghrébine mais une « communauté maghrébine ». Plus de peuple corse, partie intégrante du peuple Français, mais une « communauté corse ». Et bientôt plus de peuple français mais une « communauté française ». Toutes, donc, à égalité sur un territoire neutre régi par le droit réduit à la seule expression des libertés individuelles.

C'est précisément contre cela que se sont élevés des Corses sans doute moins complexés que les Français de métropole, parce que moins oublieux de ce qu'ils sont. Déjà, l'hiver dernier, des habitants d'Ajaccio avaient manifesté dans le quartier dont étaient originaires de jeunes gens ayant monté un guet-apens contre des pompiers. Parce qu'en Corse, on ne tolère pas que les pompiers, qui risquent leur vie pour autrui, se fassent caillasser (comme cela arrive très régulièrement dans toute la France, dans l'indifférence du pouvoir et l'impuissance des citoyens). Pas plus qu'on ne tolère que des petits caïds prétendent interdire l'accès d'une plage pour que leurs femmes puissent se baigner sans risquer le regard forcément concupiscent d'un « infidèle » extérieur à la tribu.

Et c'est d'ailleurs bien le sens de cette privatisation, comme du fameux burkini, comme de ces longues abayas noires ou brunes qui fleurissent dans certains quartiers : les femmes appartiennent au clan, et le regard des autres hommes les salit parce qu'il ne saurait y avoir de mélange. Et plus ces signes visibles seront nombreux et banalisés, plus l'espace public appartiendra à la « communauté ». Curieux que cela ne choque pas les habituels adeptes du « métissage » et du « mélange ». On en a même vu, comme Edwy Plenel, proclamer le droit au burkini en ressortant les photos des baigneuses des années 1910, comme si tout à coup le contrôle patriarcal du corps des femmes façon Léon Daudet leur semblait un modèle.

Certes, il y eut parmi les manifestants corses quelques excités adeptes des vociférations racistes, et quelle belle occasion pour certains de prétendre que cette manifestation dans son ensemble était de caractère « islamophobe » et de poser la question d'un « racisme corse » quasi congénital (puisque dans ce sens-là, tous les amalgames sont permis). On est moins pressé de s'interroger sur ce qui pousse des délinquants d'origine nord-africaine à cibler systématiquement des victimes d'origine chinoise pour les agresser et les voler, et dernièrement tuer, à Paris et dans sa proche banlieue. Les victimes et les coupables, cette fois, n'ont pas le bon profil.

Oui, les mots sont politiques, et de ne plus connaître leur sens, on impose sans même y penser un modèle politique. Ainsi de la une du Monde daté du 19 août, où l'on peut lire ce titre: « Burkini: les musulmanes doivent-elles devenir invisibles ? » Un titre qui induit - et l'on craint que ce ne soit parfaitement volontaire - que les « musulmanes » dans leur ensemble ont besoin d'un burkini ou de la version de ville, le hidjab, pour être « visibles ». Une « visibilité » qui apparaît dès lors comme légitime en elle-même, puisque c'est la supposée invisibilité qui doit être débattue. En un titre, c'est la logique même de l'islam politique et de sa conquête de l'espace public par l'instrumentalisation des droits individuels si chers au libéralisme anglo-saxon qui est avalisée sans le moindre recul.

Les villageois corses qui ont affirmé devant les médias leur refus de voir s'installer dans leur île des comportements qu'ils jugent inacceptables ont usé de mots simples, sans tourner autour du pot. Les mots qui viennent quand on est sûr de soi, de son histoire, de son identité. Les mots de ceux qui refusent d'être réduits au silence. Que cela plaise ou non, cette réaction relève de la citoyenneté. Gageons qu'elle soit largement partagée par le peuple français.   

Natacha Polony    

http://lafautearousseau.hautetfort.com/archive/2016/08/20/societe-l-honneur-du-peuple-francais-en-corse-selon-natach-5838189.html

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