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Paris Berlin même combat

Ce que l'on sait de l'attentat de ce 19 janvier, dans son horreur comme dans la routine qui commence à s'installer, confirme hélas tout ce que l'on a pu observer jusqu'ici.

On a mis, une fois de plus, un certain temps à reconnaître malgré la similitude absolue avec le mode opératoire et le scénario du 14 juillet à Nice, qu'il s'agissait d'un acte terroriste. (1)⇓

Dans la foule des échanges un peu ingénus, l'un d'entre eux a retenu mon attention. Question de la journaliste : "Jusque-là, l'Allemagne semblait plutôt épargnée alors pourquoi est-elle visée aujourd'hui ?" Réponse du spécialiste "En 2015, l'Allemagne apparaissait comme une terre d'accueil des migrants (...). Et puis 2016 a été plutôt une année de fermeture, ce qui a changé la perception de tous ces migrants, de tous ces réfugiés (...). Le peuple allemand a également durci sa position" (2)⇓.

Autrement dit : ce qui est arrivé aux Allemands serait une juste punition : ils n'accueillent pas assez les demandeurs d'asile. Ben voyons.

Or ce 21 décembre, la personnalité du principal suspect mérite précisément qu'on s'y attarde, de ce point de vue.

Citons ici le Figaro  (3)⇓ : "L'homme de 24 ans, de nationalité tunisienne, a été identifié comme Anis Amri. Il était connu sous plusieurs identités et âges différents, et aurait déposé en avril une demande d'asile en Allemagne. Débouté, il ne serait toutefois pas expulsable."

On peut donc être débouté du droit d'asile mais non expulsable : n'est-ce pas le vrai problème ? On a beaucoup reproché à l'AfD, à la CSU et à la droite de la CDU d'avoir plus ou moins fait le procès de la politique migratoire de Mutti Merkel à la faveur de l'attentat. "Mauvais goût", "démagogie", et bien entendu "populisme" ! Pendant quelques heures la fausse piste du demandeur d'asile pakistanais a emmené l'opinion sur une fausse route. Son innocence aurait ainsi renforcé l'argumentaire des bien-pensants.

Voici la citation d'Angela Merkel in extenso : "Pour le moment nous n'avons pas encore de certitude sur cet acte. Mais d'ores et déjà, nous pouvons supposer que c'est un attentat terroriste. Il serait particulièrement ignoble s'il était confirmé que cet acte a été perpétré par une personne qui a demandé protection et asile en Allemagne." (4)⇓

Mais le profil du personnage qui fait désormais l'objet des recherches vigilantes de toutes les polices renverse la donne. Même si, par conséquent, la demande d'asile du suspect tunisien est restée sans lendemain, le voilà bel et bien inexpulsable, établi comme un poisson dans l'eau dans le Land de Rhénanie-Palatinat.

Or, ce même personnage inexpulsable "serait lié à un réseau de recruteurs présumés de l'État Islamique en Allemagne et considéré comme particulièrement dangereux, selon les journaux Süddeutsche Zeitung et Bild".

Sans doute Mme Merkel devra-t-elle reconsidérer sérieusement et radicalement sa politique migratoire si elle espère obtenir un 4e mandat de chancelière en septembre 2017.

Les complications liées à la loi électorale allemande et au seuil de 5 % imposé aux partis pour siéger au Bundestag ont créé un paradoxe. Le plus fort succès électoral de la carrière de Merkel s'est situé en 2013. Or, il s'est traduit par une migration en faveur de la CDU-CSU de 2 millions de voix en provenance du parti libéral FDP. Ceci a ramené ce parti à 4,8 %. Et, l'éliminant du parlement, ce succès de la droite a empêché une coalition "noire-jaune" (libéraux et conservateurs) pour imposer une "grande coalition" avec les socialistes, celle qui gouverne actuellement ! Un recul de la CDU pourrait avoir l'effet inverse encore qu'on ne sache pas jusqu'où ira la poussée de l'AfD !! Ce jeu de qui perd gagne obscurcit évidemment l'horizon.

Mais de toute manière, le champ de bataille n'est pas tel ou tel de nos États, mais toute l'Europe, et c'est bel et bien avec l'ensemble du continent que le terrorisme islamique développe la confrontation actuelle. Nos cousins germains ne doivent pas l'ignorer alors même que pour des raisons culturelles les politiques sécuritaires, ou les politiques démographiques, malheureusement, divergent.

De ce point de vue, les frontières intra-européennes, à supposer même qu'on parvienne techniquement à s'en servir à nouveau pour freiner les déplacements incontrôlés, ont beaucoup moins d'importance que les frontières de l'Europe elle-même, frontières extérieures.

On doit donc considérer de façon positive le fait que les réactions des politiques français ont grosso modo convergé. Puisque la mode est de communiquer par twitter on retiendra que ceux de François Fillon [à 22 h 08] à Anne Hidalgo [à 22 h 52] ou Marine Le Pen [à 22 h 53] se sont échelonnés en passant par Jean-Marc Ayrault "épouvanté par les nouvelles en provenance de Berlin" [à 22 h 09] Manuel Valls [à 22 h 36] François Hollande [à 22 h 36] Bernard Cazeneuve [à 22 h 45]. L'un dénonce un "acte ignoble", l'autre a affirmé que la capitale française était "en deuil ce soir aux côtés de Berlin et de toute l'Allemagne." Solidarité. Compassion. Des formules plus ou moins conventionnelles, plus ou moins sincères, plus ou moins identiques. Mais dans le pire des cas on se souviendra aussi que l'hypocrisie est un hommage que le vice rend à la vertu.

On devine cependant que la capacité de riposte commune reste encore discrète.

En Allemagne comme en France on semble mettre un point d'honneur à ne rien changer aux habitudes de confort. Les boutiques du marché de Noël ne seront fermées qu'un jour. Pas question de prendre acte d'un état de guerre. Certes ce furent d'abord de fausses rumeurs qui ont immédiatement circulé à propos d'une revendication par l'État islamique : elle étaient pour le moins prématurées. Hélas les Cassandres ne sont pas trompées.

JG Malliarakis

Apostilles

  1. C'est le lendemain de l'attentat seulement, le 20 décembre à 12 h 39 que Thomas de Maizière, ministre de l'Intérieur allemand, déclare lors d'une conférence de presse: "Nous n'avons plus aucun doute : ce qui s'est passé hier soir est effectivement un attentat." Il décrit alors que le camion s'est dirigé "intentionnellement sur la foule".
  2. sur France TV info entre Marie-Sophie Lacarrau, dans le rôle de la gentille journaliste un peu niaise et l'insubmersible Mathieu Guidère, dans le rôle du spécialiste.
  3. cf. Le figaro.fr et AFP, AP, Reuters Agences Mis à jour le 21/12/2016 à 17h57 | Publié le 21/12/2016 à 13h36
  4. le 20 décembre à 11 h 15

http://www.insolent.fr/

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