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Revenu universel ? – Entretien avec Eric Verhaeghe

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La question du revenu universel revient souvent dans les débats de la présidentielle. L’enthousiasme ou la répulsion qu’il suscite semblent basés sur une incompréhension ou une méconnaissance de ce concept. Eric Verhaeghe, que nous avions interrogé lors de la parution de Ne t’aide pas et l’Etat t’aidera (Présent du 25 février 2016), livre où il aborde la question, nous donne quelques clés pour mieux saisir les enjeux de ce fameux revenu.

8788-20170128.jpg— Dans votre livre, vous écriviez que le revenu universel est « l’avenir de la Sécurité sociale ». Pouvez-vous nous rappeler les caractéristiques de ce dispositif tel que vous le concevez ?

— Il me semble qu’il existe un malentendu curieux sur le revenu universel tel qu’il est promu par certains « libéraux ». Ceux-ci veulent ajouter une sorte de nouvelle prestation sociale, dont le coût est colossal, et qui bénéficierait à tout le monde. De mon point de vue, c’est une erreur de sens : le revenu universel ne doit pas s’ajouter aux prestations sociales existantes, et en particulier à la sécurité sociale, mais il doit la remplacer. Au lieu d’ajouter 400 milliards aux près de 1 000 milliards de prélèvements publics existants, il vaut mieux transformer les 600 milliards qui financent l’offre sociale (notamment l’offre médicale) en 600 milliards d’allocation universelle qui permettraient aux Français de souscrire aux contrats d’assurance sociale de leur choix. L’utilisation de ces 600 milliards serait exclusivement réservée à la souscription de contrats de protection sociale. On évite ainsi l’effet « paresse ». Le revenu universel ne sera pas versé pour acheter des téléphones portables ou des voitures, mais pour que chacun assure sa propre protection. La mesure est éminemment responsabilisante.

— Ce n’est donc pas une incitation à ne plus travailler et à se laisser vivre – objection qu’on entend souvent ?

— Eh non, puisque l’argent n’ira pas directement dans la poche des assurés et ne pourra être utilisé pour des babioles. Il sera fléché vers la protection sociale. Simplement, au lieu de subir une sécurité sociale déresponsabilisante comme aujourd’hui (avec cette fameuse phrase qu’on entend dans le métro : « J’ai droit chaque année à X jours de congé maladie », ou cette conviction ancrée dans certaines campagnes selon laquelle la sécurité sociale doit rembourser le taxi des malades jusqu’à l’hôpital), les Français devront faire un choix individuel réfléchi pour satisfaire à leur obligation d’assurance.

— Marc de Boni, journaliste au Figaro, écrit que la proposition d’un revenu universel se situe « à la jonction de la vision marxiste et de la pensée libérale ». Cela vous paraît-il juste ?

— Il me semble que le revenu universel est d’abord une idée libérale. Les marxistes l’ont volontiers repris à cause du malentendu introduit par certains « libéraux », pour qui le revenu universel est un outil de lutte contre la pauvreté. Sous l’expression « revenu universel » coexistent deux notions distinctes : d’un côté, la vision libérale d’une redistribution égalitaire d’une partie du PIB pour que chacun soit protégé, de l’autre, une vision plus marxiste selon laquelle le revenu universel est un outil nouveau et supplémentaire de lutte contre la pauvreté.

Propos recueillis par Samuel Martin

Entretien paru dans Présent daté du 28 janvier 2017

http://fr.novopress.info/203093/revenu-universel-entretien-avec-eric-verhaeghe/

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