Les candidats souverainistes à l’élection présidentielle, à supposer que l’un ou l’autre arrive au pouvoir, ne pourront en aucune façon négocier ou renégocier les Traités et devront agir avec la rapidité de l’éclair pour mettre fin de façon unilatérale avec les structures de l’actuelle UE. Quelle que soient les modalités d’une refonte négociée des règles du jeu, le blocage interviendra avant même la prise de fonction à l’Elysée. Il n’y aura donc pas de négociation avec l’Allemagne et il n’y aura pas de référendum les sanctionnant.
La raison en est bien connue : les marchés ne peuvent intégrer pareil évènement tant son importance serait colossale et ses conséquences immédiates pour le pays.
La fuite vers la qualité, déjà commencée avec l’aggravation du spread de taux avec l’Allemagne[1] interviendra sans limite dès l’annonce du résultat. Dès le 8 mai le système bancaire sera en difficulté en raison de déplacements massifs de capitaux, tandis que le marché interbancaire, bien au-delà de celui du « repo », cessera de fonctionner. Le Trésor dont la gestion de trésorerie fixe un objectif de solde journalier nul sera lui-même en défaut bien avant la prise de fonction.
Telle que nous est présentée l’actuelle programmation des adjudications organisées par l’Agence France Trésor, il semble évident que l’adjudication du 4 mai sera très difficile si une victoire souverainiste est anticipée. Bien évidemment en cas de victoire, celle du 8 mai sera impossible à organiser, ce qui signifie un défaut du Trésor dans les heures qui suivront.
Il y aura donc, au-delà de la fuite des capitaux, un mouvement parallèle d’effondrement complet de la liquidité dans l’ensemble du système financier : les banques qui verront la disparition de leurs capitaux propres par effondrement de la valeur de la dette publique détenue en actif, le Trésor coupé de ses ravitailleurs que sont les SVT (Spécialistes en valeurs du trésor qui ne sont que des banques acheteuses de dette publique), les vendeurs de CDS[2] sur la dette de la France qui sont au cœur du shadow banking, etc. De proche en proche, c’est dans la journée du lundi 8 mai que l’ensemble du système financier français s’effondrera, avec la perspective d’un « bank-run » engendreur des premiers affrontements et violences dans les rues et les magasins.
Il est donc très important d’imaginer la réaction politique face à un tel évènement.
La première est celle imprimée par la puissance dévastatrice de la finance, qui déployée quelques jours ou semaines avant l’élection, aurait de quoi faire peur à l’électeur souverainiste et l’inviter à se ranger sagement sous la houlette des candidats européistes. De ce point de vue, la crise financière est un allié indéfectible des candidats européistes/mondialistes. Tout rentrerait ainsi dans l’ordre….en attendant un effondrement encore plus grand, encore plus douloureux, et de probables violences…. cette fois entre nations….
La seconde, plus difficile, est celle de la témérité des électeurs qui « n’en ayant plus rien à faire » décident d’affronter la finance et élisent un candidat souverainiste. Il est clair que, dans ce cas, il faudrait la coopération du pouvoir finissant pour prendre les mesures nécessaires. Elles sont connues : réquisition de la Banque de France[3], fin de la libre circulation des capitaux, réquisition de l’ensemble du système financier, et donc affranchissement au regard de l’ensemble des règles de l’UE.
Cette coopération ne serait pas facile à obtenir dans l’heure. Historiquement on sait que Raymond Barre n’a pas cru devoir informer sérieusement le nouveau président François Mitterrand dans les jours qui ont suivi le 10 mai 1981. Il est vrai qu’à l’époque la finance était encore dans sa « boîte » et qu’elle se trouvait être infiniment moins dangereuse qu’aujourd’hui. Le pouvoir finissant manifestera-t-il, dans un dernier geste certes fort contrariant pour lui, le sens de ses responsabilités historiques, lesquelles tout au long de son mandat lui ont fait si cruellement défaut ?
Notes
[1] Le spread sur le bund allemand à 10 ans, négligeable en 2016, est aujourd’hui proche de 100 points de base.
[2] L’encours de CDS sur la dette française ne cesse de croitre et se trouve être l’un des plus important du monde selon la Depositary Trust And Clearing Corporation (DTCC). Il se trouve que l’ISDA a diminué les critères de déclenchement des CDS, ce qui signifie que nombre de vendeurs de CDS sont très exposés à un effondrement du cours de la dette française.
[3] Pour plus d’informations on pourra se reporter à nombre d’articles sur le blog et en particulier : Lien