Je l'avoue, je n'ai pas tout vu ni tout suivi du débat présidentiel à onze : sans doute était-ce le regret de « ne pas y être », c'est-à-dire de ne pas avoir de candidat qui, comme Bertrand Renouvin en 1974, représentait le courant royaliste dans ce débat. Bien sûr, des idées portées depuis toujours par le mouvement royaliste « traditionnel » dans ses multiples composantes étaient évoquées et défendues par d'autres, de la nécessité d'un État solide face aux défis de la mondialisation à la non moins nécessaire défense des travailleurs, de la dénonciation d'une construction européenne mal engagée car trop libérale et américanophile à la défense des services publics qui maintiennent vie et activité sur nombre de nos territoires ruraux, etc. Mais il manquait un candidat qui pose, vraiment et au-delà des effets de manche et des formules magiques sur la Sixième République, la grande question de l’État et de son inscription dans le long terme, non celui d'un trop bref quinquennat (trop bref dans les institutions mais parfois bien trop long au regard des deux derniers...), mais d'un enracinement qui lui permette d'engager de grandes politiques sans craindre leur déconstruction immédiate au changement de majorité gouvernementale ou parlementaire.
Certains s'étonneront de mon propos, considérant que la place des royalistes n'est pas dans ce grand défouloir présidentiel et cette course à l'échalote qui vise un bail de cinq ans dans le palais de Mme de Pompadour. Bien sûr, je n'attends rien, en tant que monarchiste, des échéances du printemps, et je sais trop bien que l'élu du 7 mai prochain ne sera ni celui de mon cœur ni celui de la raison politique. Bien sûr, nombre de royalistes voteront pour l'un ou pour l'autre avec l'idée de voter pour le « moins pire », et j'en entends quelques uns me reprocher de « diviser » tel ou tel camp qui aurait besoin des voix monarchistes : comme si celles-ci allaient forcément permettre d'emporter la décision ! Si tel devait être le cas, cela me donnerait un argument supplémentaire à la présentation de candidats royalistes à chaque élection, quelle qu'en soit la forme, la motivation institutionnelle et l'enjeu...
Il y a un an, j'expliquais que, plus qu'une candidature royaliste à la présidentielle, il importait de faire une grande campagne sur le thème même de l'alternative royale, et, avec de maigres moyens, le Groupe d'Action Royaliste a initié celle-ci, sans beaucoup d'échos ni de soutiens dans le petit monde monarchiste, et cela malgré la bonne volonté de quelques fidèles de la « Cause ». Un sondage de BVA publié à la fin de l'été dernier donnait le chiffre étonnant de 17 % de Français favorables à la Monarchie en France, et pouvait nous apporter quelque réconfort et nous fixer certains devoirs, comme celui de consolider ce chiffre et lui donner une réalité politique par l'organisation d'un mouvement ou d'une « tendance » qui aurait pu poser quelques jalons vers l'instauration d'une Monarchie « à la française » dans notre pays, avec modestie mais avec détermination et l'assurance de faire œuvre utile et de long terme : il n'en a rien été, et je ne peux que le regretter. Mais cela n'est pas suffisant pour me décourager : « Ce n'est pas parce que les choses sont difficiles que nous les faisons pas, c'est parce que nous ne les faisons pas qu'elles nous paraissent difficiles », dit-on, et ce n'est pas faux...
Aujourd'hui fleurissent en Région parisienne comme dans l'Ouest de la France, et ailleurs aussi, des affiches fleurdelysées qui proclament : « Présidentielle ? Plutôt le Roi ! », et cela à quelques milliers d'exemplaires ; quelques articles de presse vont évoquer cette prise de position royaliste et quelques courriers des lecteurs répercuteront le même message, comme autant de bouteilles jetées à la mer... C'est déjà cela ! Mais j'avoue que, pour utile que cela soit, c'est encore bien insuffisant alors même que le temps presse et que les murs de la réalité (dettes et conflits) semblent se rapprocher toujours plus vite, comme si la France était cette voiture devenue folle et incontrôlable sur une plaque de verglas...
S'il y avait eu un candidat royaliste au « débat des onze », une part de notre histoire française et l'espérance d'un nouveau régime auraient été au moins visibles, en attendant d'être, pour la seconde, politiquement crédible : cela n'a pas été, une fois de plus et alors même que nos concitoyens continuent à chercher une solution institutionnelle aux défis contemporains, en particulier sur le plan social.
Il est temps pour les royalistes, désormais, de parler stratégie...