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Hommage détourné à Simone Veil

Les Survivants ne manquent pas d'humour. Au lendemain de l'annonce du décès de Simone Veil, cette formation de jeunes opposants à l'avortement a récupéré le patronyme de l’ex-ministre de la Santé pour créer un site internet avertissant des dangers de l'IVG. Le site intitulé simoneveil.com (créé plusieurs mois auparavant afin d'être bien référencé sur le moteur de recherche Google) proposait de découvrir « la vérité sur Simone Veil » qui aurait été « trahie dans ses intentions », la loi Veil étant à ses débuts moins permissive que de nos jours, où la notion clé de "détresse", qui devait faire passer la pilule, si l’on ose dire, a totalement disparu, il est vrai que l’on ne parle plus guère de détresse mais qu'il s'agit davantage d'un "droit" et d'un "choix", jusqu'à 12 semaines de grossesse (14 semaines d'aménorrhée), choix que l’on n'a pas le droit de qualifier de "confort" mais qui est entièrement remboursé.

En réalité, Simone Veil n'a nullement été trahie, elle a ouvert la brèche qui devait permettre, et permettra sans aucun doute encore, des élargissements, des aménagements de la loi, toujours en faveur d'un accès plus large à l'avortement. Et elle le savait pertinemment. « Il fallait enfoncer le clou de la dignité et fuir cette idée invendable, chère aux bourgeoises de gauche, selon laquelle une femme peut décider de se faire avorter parce que la grossesse, à ce moment précis ne lui convient pas. [...] Bien sur, je suis convaincue qu'une femme doit avoir la libre disposition de son corps. Mais j’ai choisi d'insister sur la responsabilité. Je présentais cette loi pour qu'elle passe. Je voulais gagner », avait-elle expliqué à Maurice Szafran, son biographe, auteur de Simone Veil, Destin. Ces confidences sont tout à fait en cohérence avec les souvenirs de Janine Mossuz-Lavau, directrice de recherche au Cevipof , citée par Le Point le 5 juillet 2017 : « Elle avait deux idées : le remboursement par la Sécurité sociale et le délai de douze semaines. Mais elle avait du céder face à un mouvement qui menaçait de cesser de s'acquitter des cotisations sociales. Il avait pris une telle ampleur qu'il fallut lâcher du lest sur ce point. Ensuite, face au lobby acharné des médecins, elle a également accepté de limiter le recours à l’TVG aux 10 premières semâmes de grossesse, et non 12 comme elle l'avait envisagé. »

L'avortement tel qu'il est présenté aujourd'hui, non pas seulement la solution, nous dit-on, d'une situation dramatique, mais également un choix que l’on n'a pas besoin de justifier et qui peut être fait pour convenances personnelles, n'était pas, en 1975, "vendable". Quel aveu... Les hommes politiques sont tout à fait conscients qu'un changement dé société ne peut se faire trop brusquement Au moment de la création du PACS, ils se moquaient des opposants qui prétendaient que c'était une première étape vers le "mariage" homosexuel. Au moment de la légalisation de l’avortement, ils insistaient sur le concept de détresse, arguant du fait que ce serait toujours une exception, une sorte de question de santé publique, que le phénomène, ne pouvant être empêché, devait absolument se faire dans le milieu sur et aseptisé de l'hôpital. On ne pouvait sauver l'enfant non désiré, mais on pouvait sauver sa mère des aiguilles à tricoter et des risques de septicémie. C'était, disait-on, un moindre mal. Le moindre mal est bien vite devenu un droit fondamental, jadis on adressait à une femme ses félicitations, aujourd'hui on commence par lui demander si elle veut « le garder. ».

Nos Survivants, dont le chef de file, Emile Duport, se décrit comme un "communicant", ont en tout cas le sens de ce phénomène contemporain qu'est le "buzz ». Leur coup de communication n'a pas manqué de faire couler beaucoup d'encre, les média aux ordres ne trouvant plus les mots pour qualifier cette odieuse utilisation du nom de l’ex-déportée, ex-ministre, ex-académicienne. Les Survivants saliraient la mémoire de Simone Veil, rien que ça, le mot mémoire étant bien sûr ici chargé de sens. Le Point parle d'une manœuvre « aussi habile qu'écœurante ». l’Obs, quant à lui, qualifie le procédé d'« un brin pervers ». Sur TWitter, où la modération n'est jamais de mise, on parle de « récupération puante ». Un franc succès, donc, mais qui aura été de courte durée. À la demande de la famille, et des chiennes de garde qui invoquaient déjà la récente loi sur la pseudo « entrave numérique » à l'IVG, le site a été aussitôt suspendu.

J.B. Rivarol du 3 août au 5 septembre 2017

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