Christian Estrosi, le maire de Nice, qui avait été élu en tant que chef de la droite locale, ne décolère pas. Ce qui le met hors de lui, c’est que le Front national ait choisi de tenir à Nice cette année son meeting national du 1er mai. Lui, qui dans ces jeunes années manifestait sous la bannière du FN, ne supporte pas la venue de Marine Le Pen qui, aux côtés de certains de ses partenaires européens – notamment l’Italien Matteo Salvini (Ligue), le Belge Vlaams Belang ou encore les membres du FPÖ autrichien –, doit participer au meeting du Mouvement pour l’Europe des nations et des libertés (MENL) sur « ses » terres.
Ce rassemblement annoncé des droites nationales européennes doit marquer « l’affirmation d’un même engagement pour la défense de l’identité et de la souveraineté des nations ». Christian Estrosi l’a qualifié, dans une tribune publiée dans Le Monde de mardi, de « rassemblement de haine et d’exclusion visant à instrumentaliser cette fête en une action de propagande partisane extrémiste, ce qui constitue en soi une provocation que nous condamnons ».
Cette tribune, signée par plus de 370 « personnalités » – dont l’ancien ministre de la Culture Jean-Jacques Aillagon, l’écrivain Van Cauwelaert ou encore l’acteur metteur en scène Charles Berling –, est appuyée de fait par une foule d’organisations, de partis, groupuscules et syndicats de gauche et d’extrême gauche (voir dans les brèves la liste non exhaustive de ces organisations). Les pétitionnaires, pour leur part, s’efforcent de condamner l’initiative du Front national au nom d’une vision que l’on pourrait qualifier de droite : « Nous qui aimons la France et son message, nous qui aimons Nice et son histoire. » Mais au nom de cette vision ils considèrent que « le sens vrai du 1er Mai [est] dénaturé par le Front national et ses sulfureux amis », qui pourraient « gâcher ce moment de partage » et « générer des troubles à l’ordre public ».
Les nouveaux alliés d’Estrosi
Un « moment de partage », mais pas avec tous les Français. Pas avec ceux qui dénoncent notamment la politique asile-immigration du gouvernement, ceci au mépris de la démocratie et des électeurs niçois qui ont largement voté pour Marine Le Pen lors des dernières présidentielles (près de 40 % des voix). Christian Estrosi craint sans doute de perdre son fauteuil lors des municipales de 2020. A l’évidence il espère ainsi s’attirer, en compensation, les bonnes grâces de ceux qui pourraient être ses alliés de demain, c’est-à-dire de ceux qui défileront contre le FN le 1er mai, et sont susceptibles de créer des violences, comme il est spécialement fréquent dans les manifestations où l’extrême gauche est présente. Des violences encouragées, et couvertes d’avance par le maire de Nice, qui désormais n’a plus grand-chose à voir avec la droite, même modérée, ni même avec le centre.
Pierre Malpouge
Article paru dans Présent daté du 26 avril 2018