Les 21 et 22 avril 2018, une centaine de militants de Génération identitaire ont bloqué le Col de l’Échelle dans les Alpes, près de Briançon. Une indéniable réussite tant militante que sur le plan de la communication, d’autant que des membres de l’organisation ont continué à agir sur place la semaine suivante. Avec un peu de recul, l’OJIM a regardé ce qu’en ont dit les médias officiels.
L’OJIM a déjà jeté un premier regard sur l’événement, juste après l’action menée par Génération identitaire dans les Alpes : on retrouvera ce premier article ici. Pour un reportage de type « vu de l’intérieur », écrit par un journaliste présent sur place, le lecteur peut se rendre sur le site du magazine L’Incorrect. L’émission I-Média de TV Libertés présente aussi une analyse intéressante de la réaction des médias officiels, de la part de Jean-Yves Le Gallou ici. Porter un regard avec un peu de recul est d’autant plus intéressant que l’hebdomadaire Valeurs Actuelles publiait le 26 avril un intéressant sondage : 76 % des Français souhaitent être consultés par référendum au sujet de la politique migratoire de la France. Un pourcentage qui vient confirmer le décalage entre la réalité du pays et celle de ses décideurs médiatiques. Les réactions de la presse quotidienne mais aussi celles des hebdomadaires viennent, dans leur écrasante majorité, confirmer ce malaise : l’image que les médias officiels donnent du monde au sujet des migrations en général, et de l’opération de Génération identitaire en particulier, est à mille lieux de ce qui est concrètement vécu par les populations.
La presse quotidienne : les jours d’après
Aux lendemains de l’action menée par Génération identitaire, les différents organes de presse quotidienne réagissent. Trois exemples.
Le Figaro signale l’action de Génération identitaire dès le samedi 22 avril, titrant : « Migrants : des militants d’extrême-droite bloquent un col alpin ». L’article insiste sur la qualification « d’extrême droite » du mouvement identitaire, qualification qui apparaît ici comme ailleurs en tant qu’argument d’autorité. L’article donne cependant largement la parole à Génération identitaire, ses militants indiquant pourquoi ils mènent cette opération. Le quotidien publie aussi le communiqué de presse de l’organisation politique. Dans la semaine, Le Figaro reviendra sur cette action, mais moins que des quotidiens comme Le Monde ou Libération, pour indiquer l’ouverture puis la fermeture d’une procédure judiciaire contre Génération identitaire.
Libération publie un article, le lundi 23 avril 2018, titré « Chasse aux migrants dans les Alpes : les xénophobes au sommet ». Dès ce titre, le quotidien se caractérise par son éloignement de toute pratique journalistique : il n’y a pas eu de « chasse » aux migrants, l’expression étant employée ici en référence aux rafles de la dernière guerre mondiale, et la « xénophobie » de Génération identitaire est là aussi imposée comme argument d‘autorité. L’orientation de l’article est accentuée par l’emploi du mot « milice », tandis que les personnes qui aident les migrants sont des « citoyens » organisés en réseau de « secours ». L’article raconte les événements du col de l’échelle puis s’intéresse à ceux du col de Montgenèvre où des « militants promigrants » (qui pour le coup ne sont qualifiés ni d’extrême gauche ni d’être une milice…) « passent la frontière en cortège », et « débordent » un cordon de gendarmes, « sans violence » indique l’article. Les jours suivants montreront cependant que violence il y a eu, bien que « l’envoyé spécial à Briançon » de Libération n’ait rien vu. Aucune réflexion sur les caractérisations « d’extrême droite », de « xénophobie » ou de « milices » qui apparaissent comme des évidences et faisant référence aux fameuses heures sombres de notre histoire. Mais Libération, persuadé que l’action menée par Génération identitaire est la face cachée du matin brun qui approcherait, va plus loin dans la semaine en faisant sa couverture, le samedi 28 avril 2018, sur cette « ultra droite qui inquiète les services secrets ». Quatre pages pour montrer que si un danger de violence et d’illégalité pèse sur la France ce serait celui de « l’ultra droite ». En une époque où la violence meurtrière est le fait des islamistes, où la violence militante est le fait de l’ultra gauche (NDDL, zadistes, manifestations avec violences sur les policiers) et où la violence quotidienne est celle des quartiers, l’observateur est surpris d’apprendre que la France s’inquiéterait de la violence d’une « ultra droite », violence qui ne paraît guère préoccuper la population au quotidien. Outre le fait de recenser les organisations dont Libération pense qu’elles pourraient passer à l’acte, et peinant à trouver une bribe de cette violence, le quotidien revient sur l’action de Génération identitaire en page 4 et 5, expliquant ce que serait ce mouvement : « Europe blanche et papier glacé », dangereux puisque ayant des « racines » du côté d’Unité Radicale dont un (plus ou moins membre) a tiré sur Chirac en 2002, néopaïen devenu « identitaire chrétien », « bien représenté au sein du FN »… Viennent ensuite les actions menées, dont l’aide apportée aux « sans-abris européens », le tout sans aucune mise en perspective. Un autre article revient sur les événements de la semaine précédente dans les Alpes, insistant sur l’aspect « communication », considérant que les Identitaires seraient montés au Col de l’échelle avant tout pour tourner des images et relevant « la vague d’indignation » ayant « tourné à la mise en cause des pouvoirs publics ». Il est intéressant de noter qu’à aucun moment Libération n’évoque le caractère volontairement légal de l’opération de Génération identitaire, dont les militants n’ont fait que repérer des « délits » et les signaler aux autorités, ainsi que le veut la loi ; ce qui n’est pas le cas de l’action menée par les militants « antifas » qui, en riposte à Génération identitaire, ont fait franchir le Col de Montgenèvre à un groupe de migrants, ainsi que la frontière, en toute illégalité… Ce que Libération ne signale du reste pas plus.
Le Monde réagit dès le samedi 21 avril. Le titre : « Alpes : des militants d’extrême droite bloquent le col de l’échelle, lieu de passage de migrants ». Extrême droite et blocage. Le quotidien répercute l’intervention de Mélenchon à l’Assemblée Nationale, le député ayant demandé au gouvernement « ce qu’il compte faire pour empêcher que les frontières soient protégées par les amis de Marine Le Pen ». Puis, le journaliste raconte les faits en donnant la parole aux représentants de Génération identitaire. Vient ensuite la masse des « réactions indignées », à commencer par une ancienne ministre qui évoque une « milice ». Le Monde publie d’autres réactions qui tiennent de l’insulte, « connards », « saloperie », par exemple. Le journal suit les évolutions de l’affaire toute la semaine, indiquant par exemple qu’une enquête judiciaire était ouverte puis « classée sans suite » contre l’organisation identitaire. Le ton général vise à montrer que l’action de cette dernière est inutile, les forces de l’ordre procédant « quotidiennement à des interpellations dans les Alpes ». Le 27 avril 2018, Le Monde publie une enquête consacrée à l’action menée dans les Alpes et à Génération identitaire. L’idée est d’accuser cette organisation de « faire sa publicité sur le dos des migrants ». L’enquête insiste sur le côté décomplexé de ces militants de droite qui sont contre « l’islamisation » et « l’africanisation » de l’Europe, et fait un lien hasardeux avec la venue de Steve Bannon, « ancien conseiller de Trump, au récent congrès du FN ». Autant tout amalgamer. L’article donne aussi les noms et l’origine géographique des militants, parvient à placer le mot « néonazi » et revient sur la « marche » ou « passage en force » (selon les sources) quand « quelques 120 militants entourant une vingtaine de migrants ont franchi le col de Montgenèvre. Trois personnes ont depuis été placées en détention provisoire. « Contre-productif », juge un militant tout en dénonçant « le deux poids deux mesures » de la part de l’État ». L’article n’interroge pas le caractère illégal de ce passage de frontière, ce qui étonne après deux colonnes consacrées à interroger la légalité de l’action de Génération identitaire.
Du traitement des faits par ces trois quotidiens, il ressort que l’action des identitaires référerait à l’extrême droite, avec tout ce que cela induit dans l’imaginaire collectif, traduirait un repli sur soi auquel s’opposerait la générosité des promigrants, et poserait la question de l’action de l’État face aux violences d’une ultra droite de plus en plus menaçante. Deux points ne peuvent qu’étonner :
la presse officielle ne tient guère compte dans ses analyses de ce qui est ou non légal.
les raisons profondes de l’action de Génération identitaire ne sont pas interrogées, elles sont ramenées à un argument d’autorité : en gros, ce sont les méchants xénophobes de l’extrême droite qui, du coup, seraient la menace principale pesant sur la stabilité de la France. Ces quotidiens ont pourtant tous rendu compte de La ruée vers l’Europe, essai de Stephen Smith, ancien « monsieur Afrique » de Libération puis du Monde, paru en mars 2018, et montrant que cette « africanisation de l’Europe » dénoncée par les identitaires est un fait et non une élucubration xénophobe. Cela ne conduit pourtant pas les journalistes de ces organes de presse à expliquer les causes des faits.
La presse hebdomadaire
Cinq jours après les faits, deux exemples.
Marianne paraît le 27 avril, avec un numéro spécial consacré à Mai 68, et donc laissant peu de place pour l’actualité immédiate. La radicalisation des « groupuscules »? L’hebdomadaire y a consacré tout son numéro de la semaine précédente, un numéro d’anthologie prétendant démontrer, un peu comme Libération, que la violence qui menace la France est celle de l’ultra droite. Du coup, le col de l’échelle… est traité par la seule chronique de Caroline Fourest titrée « Génération rejet ». Le mot « facho » fuse d’emblée, comme une évidence mais sans aucune réflexion sur ce que le mot « fascisme » signifie réellement dans le domaine des sciences politiques. Puis, Caroline Fourest minimise : il n’y avait pas de migrants à rejeter, et les seuls « barbares » étaient les comparses hongrois, autrichiens etc venus épauler Génération identitaire. « Ce qui a choqué est ailleurs. La France, qui a de la mémoire, se méfie des milices. Elle n’aime pas beaucoup voir les militants d’extrême droite jouer aux gendarmes ». Puis, la chroniqueuse évoque un jour de 1996 (il y a donc 20 ans) où des membres du FN auraient « cassé du gaucho à Montceau-les-Mînes ». Du reste, elle pense que c’est lié : l’immaturité politique et les échecs du FN seraient la cause d’une radicalisation de ces jeunes. On en revient toujours à la cause première de tous les maux : l’existence du FN. Chose notable, Caroline Fourest n’écrit jamais le mot « migrant ». On se demande donc ce que faisaient ces « schtroumpfs », mot qu’elle écrit par contre, en haut du col. La chronique paraît dans une rubrique intitulée « débattons », rubrique qui ne comporte cependant pas d’avis contradictoire.
Marianne avait déjà traité l’événement auparavant, sur son site internet. Le 22 avril 2018, la question est « Où est le problème ? ». La réponse est simple, c’est « l’incroyable mollesse de Gérard Collomb et de la préfecture ». Les mots sont rudes : « l’extrême droite investit les Alpes et les autorités trouvent peu de choses à y redire », la réponse est trop « minimale » comparativement à la « politique répressive » menée à NDDL et à Tolbiac. La question de la « dissolution de ce groupuscule » devrait être posée. On retrouve le même type d’argumentaire que dans les quotidiens ainsi que le mépris étonnant de la législation : rappelons que de l’avis de la justice elle-même Génération identitaire n’a rien commis de répréhensible.
L’Obs, le 21 avril 2018, publie un article sur l’action en cours, avec le même titre que Le Monde, AFP oblige. Rien de très différent de ce qui peut être lu par ailleurs, L’Obs recopiant globalement les éléments de langage fournis par l’AFP. De même, l’hebdomadaire revient sur les événements le 27 avril 2018, au sujet de l’absence de « poursuites pour les identitaires ». L’hebdomadaire indique que « certains demandent la dissolution de Génération identitaire » et que tandis que ses militants ne sont pas poursuivis ceux de « l’ultra gauche » le sont. Un service minimum fortement indexé sur l’AFP pour un hebdomadaire centré cette semaine là sur le monde des macroniens.
Quotidiens et hebdomadaires sont en règle générale sur la même longueur d’ondes, même si les seconds ne font guère de zèle, sauf Marianne, parlant peu des faits ou se contentant de répéter ce qui est écrit dans les dépêches : répétition du mantra de départ fourni par l’AFP et présentation identique tant des faits que de ce que serait Génération identitaire. À cela s’ajoute la présentation positive de l’action promigrant (a contrario de celle de Génération identitaire) et le sous-entendu qu’il y aurait injustice à ce que les identitaires ne soient pas inquiétés ou dissous, quand bien même ils n’auraient rien fait d’illégal.
Inquiétés, ils le sont pourtant, les médias officiels ayant amplement diffusé leurs noms et origines géographiques. Ainsi, à compter du 26 avril un membre de l’opération de Génération identitaire, porte-parole de l’organisation, a été harcelé sur les réseaux sociaux, lesquels ont, à l’instar de Twitter, parfois fermé des comptes, puis pourchassé sur son lieu de travail par un membre de « la ligue de défense noire africaine ». La vidéo de ce harcèlement violent a fait le tour des réseaux sociaux. On y voit la réalité de la violence et de la situation dénoncées par Génération identitaire. Les adversaires des militants identitaires réclamant par exemple qu’ils soient licenciés par leurs employeurs, au nom… de quoi ? D’un délit d’opinion ?
De cela, seul Valeurs Actuelles, parmi les médias fortement diffusés, s’est fait l’écho… Tout aussi notable ce fait : aucun média officiel ne relaie le soutien dont à bénéficié Génération identitaire dans le pays réel, soutien assourdissant sur les réseaux sociaux.
Tribune reprise du site OJIM