Le débat qui a opposé, hier, Éric Zemmour et Cohn-Bendit m’a, en bien des points, rappelé un de mes livres de chevet : Histoire de la Rome antique, de l’incomparable Lucien Jerphagnon.
L’idéologie libérale-libertaire de Cohn-Bendit a triomphé et régné ces cinquante dernières années. Les technocrates de Bruxelles ont appliqué cette idéologie.
Hier, derrière la pugnacité d’un homme encore combatif, voire insultant, j’ai vu un « intellectuel » dépassé, incapable de soutenir le bilan accablant du libre-échange pour les paysans, l’industrie ou le transport. Plus encore, j’ai vu un idéaliste éthéré, perdu, inconséquent face aux flux migratoires et à l’islamisation des sociétés occidentales. Sur ce sujet, je souhaiterais simplement citer des morceaux choisis de l’ouvrage de Lucien Jerphagnon. Je laisserai le lecteur faire les connexions avec la situation actuelle de la France et de la civilisation européenne ainsi qu’établir des ponts entre ceux qui tentent d’avertir et ceux qui continuent à vivre comme si de rien n’était, tranquillement. Nous sommes à la fin du IVe siècle au début des Valentiniens.
« Certes, les invasions définitives ne tarderont pas – personne ne le sait encore, ou presque… -, mais pour ce qui est des fameuses portes, nous avons pu nous rendre compte qu’elles n’étaient plus guère étanches, et qu’un fameux volume de Barbares les avaient déjà franchies sans trop de peine, avec armes, bagages et famille. »
« Une réserve inépuisable d’humains habitants des climats abominables, cultivant des terres glacées. Ils descendent en quête d’un mieux-vivre, d’un soleil un peu plus chaud, de terres moins rebelles, d’un commerce moins rudimentaire. Et les uns poussent les autres droit devant eux. Gigantesques vagues de populations […] Les lendemains se laissaient déjà deviner aux yeux des plus avisés des habitants de l’empire. Un Ammien Marcellin, un Thémistios – mais ils ne sont pas nombreux à frémir aux premiers signes du désastre. Dans les villes, on continue de s’amuser, du moins quand on est riche. On espère les prochains jeux ; on se passionne pour les courses et, s’il faut croire Salvien, les bordels ne désemplissent pas. Bref, on vit. Ammien Marcellin déplore la légèreté ambiante dans la Rome où il achève ses jours : “Les uns mettent leur point d’honneur à posséder des voitures plus grosses qu’il n’est d’usage” – hé oui ! -, et d’autres des vêtements si luxueux qu’ils transpirent dessous. Pour personne la fin du monde n’est pour demain. Et pourtant… »