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Collectivisme de la bêtise

6a00d8341c715453ef0240a4e1b8d6200b-320wi.jpgEt voilà : l'amendement Letwin voté par 322 voix contre 306 par la chambre des Communes impose au gouvernement de Boris Johnson une contorsion étonnante et inédite. Deux lettres officielles adressées, le même jour, au même interlocuteur se démentent l'une l'autre. Le pouvoir législatif, cavalier parlementaire, commande à son cheval un saut qu'il refuse. Le pouvoir exécutif ne peut formellement qu'accomplir cette démarche, mais il la désavoue…

Certains commentateurs agréés raisonnent, à la mode Astérix "ils sont fous ces Anglais", degré zéro de la compréhension de la situation, comme si ceux-ci on devait penser outre-Manche au pas cadencé. Nos désinformateurs semblent s'être à peine aperçus que le vote des députés s'est effectué en même temps que les adversaires du Brexit manifestaient dans la rue. Car "les Anglais" ce sont aussi : les Écossais et les Gallois ; et en face, au contraire les élus protestants orangistes de l'Irlande du Nord ; ce sont les diverses populations que nous considérons comme des Londoniens, aussi bien des anciens élèves de Eton et des immigrés pakistanais, mais aussi des London Greeks ou d'innombrables Français travaillant aussi bien dans la finance ou dans les restaurants. Ces sous-ensembles flous sont eux-mêmes composés d'individus libres, et qui, en général entendent le rester.

On se trompe donc évidemment sur les débats du Brexit, comme on se trompe à vrai dire sur les événements les plus brûlants, par des tics de langage faussement généralisateurs.

On entend dire, autre exemple, "les Kurdes", quand, depuis des millénaires, ce peuple de quelque 40 millions d'âmes certes privé depuis toujours d'une structure nationale unificatrice, reste partagé en 600 tribus, réparties dans 4 États différents, qui les ont toujours opprimés, chacun à sa manière.

Trop de regards faussés sur l'actualité restent ainsi marqués par les sophismes collectivistes.

La génération à laquelle votre chroniqueur appartient, né lui-même en 1944, aura vu le triomphe, vécu comme irréversible, mais aussi le premier écroulement du monstre collectiviste dans sa version dite stalinienne, la plus massivement meurtrière. Sa dimension criminelle et son immense échec, ne furent vraiment compris en occident qu'à partir de 1973, grâce au choc de la publication à Paris de l'Archipel du Goulag d'Alexandre Soljénitsyne.

Croire que les faits rapportés par les 227 témoignages de ce livre eussent été, jusqu'alors, entièrement inconnus c'est vraiment nier les innombrables prédécesseurs "Retours d'URSS" tels celui d'André Gide, les remarquables "Mea Culpa" de Céline, qu'on ne lui a d'ailleurs jamais pardonné, ne parlons même pas du très véridique "Tintin chez les Soviets", etc.

Dire que personne n'en prévoyait le déclin méconnaîtrait, par exemple, le mérite d'un Burnham ou, plus encore celui d'un sociologue tel que Jules Monnerot[1].

Mais la bêtise intrinsèque du collectivisme l'emportait partout, et particulièrement en France. Il fallait mieux, proclamait l'intellocratie, avoir tort avec Jean-Paul Sartre, pour qui "tout anticommunistes reste un chien" que raison avec Raymond Aron, qui pourtant n'aboyait pas.

Avec la fin de l'Union soviétique, avec la libération de la Pologne et la réunification de l'Allemagne on aurait pu espérer que disparaisse non seulement la bêtise collectiviste, mais d'abord aussi le collectivisme de la bêtise.

Pour y parvenir, il reste encore pas mal de chemin à accomplir.

JG Malliarakis

Apostilles

[1] cf. la préface de la seconde édition, publiée en 1963, de sa Sociologie du communisme.

https://www.insolent.fr/2019/10/collectivisme-de-la-betise.html

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