L’incroyable attentat terroriste perpétré au sein même de la préfecture de police, par un fonctionnaire de police initié au secret défense, a donné lieu à un concert d’indignation dénonçant le laxisme des autorités, l’imprudence de la hiérarchie, les dysfonctionnements de notre appareil de sécurité etc. Il faut aller plus loin ! L’islam politique a avant tout, une dimension internationale.
Si tant de timidité a été marquée à l'égard de ce fonctionnaire assassin, que ses collègues savaient converti à l'islam et radicalisé, ce n'est pas seulement en raison du statut de la fonction publique (qui n'interdit pas les mutations), ni même de la crainte de poursuites pour islamophobie. C'est aussi parce que sa hiérarchie craignait d'être traînée devant cet autre tribunal, celui des médias, dont la récente affaire de l’accompagnatrice voilée d’enfants au conseil régional de Dijon a montré combien ils sont prompts à s’enflammer en faveur d'une musulmane militante.
Crainte révérentielle
Mais pourquoi cet état esprit paralysant ? La vérité est que quelque part la société française - comme les autres sociétés européennes - sont déjà en état de dhimmitude face à l'islam radical. Elles sont craintives et comme tétanisées par lui.
Des indices laissent penser qu'il s’agit d'un phénomène plus large : bien des immigrés africains non musulmans ont, à tort ou à raison, le sentiment qu'il y a comme une préférence musulmane dans l'attribution des logements sociaux dans certaines villes. Déterminée à quel échelon ? On ne sait. Peut-être aucun : c'est l'air du temps qui en est la cause.
Il n'y a pas si longtemps, la préfecture de Haute-Garonne a envoyé un car de CRS récupérer à Perpignan une jeune étudiante russe restée en France après l’expiration de sa carte de séjour, tandis que, de manière notoire, des centaines d'Africains, pour la plupart musulmans, traversent les Pyrénées chaque semaine avec l’accord des autorités aucun risque que les Russes jeunes et belles envahissent la France, mais inconsciemment les fonctionnaires et les juges ont perçu que, dans la géopolitique officielle, la Russie était du côté ennemi et le monde musulman, sinon ami, du moins à ménager.
On se tromperait en effet à voir dans ces comportements l’effet de la seule force démographique montante des musulmans de France, de l'audace de certains de leurs dirigeants à s'imposer dans l’espace public (la revendication regardant les sorties scolaires n'a pas d'autre sens) ou de la puissance financière des pétromonarchies. La culpabilité postcoloniale est un sentiment construit.
L'islam sunnite est, culturellement, beaucoup plus que le chiite, porté à respecter le rapport de force et jusqu’à nouvel ordre, les musulmans d'Europe, ni en termes économiques, ni en termes culturels, ne sont en position dominante.
Mais ils ont des appuis puissants et, plus ou moins confusément, ils le sentent jusqu'à une date récente, rien de moins que celui de la première puissance mondiale, les États-Unis - et le monde anglosaxon dans son ensemble. À partir de là, celui de presque tout ce qui compte dans le monde l'ONU, l'Union européenne, la Banque mondiale, le FMI, Davos, le club de Bilderberg, etc. Toutes ces institutions prônent sans relâche l’immigration, spécialement musulmane, en Europe.
Les plus récentes informations sur la catastrophique guerre de Syrie montrent combien fut étroite la collaboration entre la CIA, le Pentagone et autres services d'un côté, les services saoudiens et les Frères musulmans de l’autre. Tout cela pour renverser Bachar el-Assad ! Les cris de victoire, parfois indécents, qui ont accompagné la mise à mort du « khalife » Al Baghdadi ne sauraient faire oublier que Daech fut largement une création des services secrets occidentaux, comme l’a laissé entendre le général Wesley Clark, ancien commandant en chef de l'OTAN. Les services français ne se sont pas tenus à l’écart de ces collusions contre-nature.
Les idéologues nihilistes
Mais il s agit en fait d'un phénomène de bien plus grande ampleur. Dès 1945 avait été signé le fameux pacte du Quincy entre Roosevelt et le roi Ibn Saoud. Signé à nouveau en 2005 pour 60 ans, il inaugurait trois-quarts de siècle d'une collaboration étroite et incroyablement durable entre les deux États et leurs services de renseignement. Or le royaume d’Arabie, inspiré par la doctrine fanatique du wahabisme et riche de son pétrole, n’a cessé de dépenser des milliards pour favoriser l'expansion de l'islam à travers le monde. Pendant des dizaines d’années il a pu construire des mosquées un peu partout et les doter d'imams fondamentalistes, avec la passivité et parfois les encouragements (nous pensons à Mme Clinton) de Washington. Par cette alliance, les Américains ont contribué, qu'ils l’aient voulu ou non, au développement du djihadisme. Mêmes relations équivoques avec les Frères musulmans, Washington n’ayant eu de cesse de pousser l'Union Européenne à admettre la Turquie que dirige le frère Erdogan. Cette alliance avait sa raison d'être, au temps de la guerre froide, en particulier en Afghanistan, pour contrer le communisme, mais elle a dérapé depuis presque partout dans le monde, les Américains se sont trouvés du côté des fondamentalistes contre les non-musulmans ou les musulmans modérés en Bosnie, au Kosovo, en Tchétchénie, au Sinkiang et dans tout le monde arabe spécialement lors des Printemps arabes. En Afghanistan, ils ont favorisé l’émergence des talibans avant de se retourner contre eux. Ben Laden était, pétrole aidant, notoirement proche de la famille Bush. En France, leur ambassade a établi des relations privilégiées avec les jeunes musulmans des banlieues George Soros, proche d'Hillary Clinton, finance le Collectif contre l'islamophobie.
Voilà pourquoi l'islam est aujourd'hui si fort, au point d'impressionner sans qu elles en perçoivent clairement les raisons, les administrations de l'Europe occidentale, spécialement en France. Sans cet appui, le monde sunnite ne serait pas si fier. L’alliance presque séculaire entre les États-Unis et l'islam sunnite le plus extrême constitue, avec la guerre froide qui n’est plus d'actualité, une donnée géopolitique majeure de notre temps. Contre les Russes mais aussi contre les Européens moyens, et d'autres. Ceux qui dénoncent à tout va la menace islamiste feraient bien d'en prendre conscience et d'élargir leur champ de vision.
L’Amérique, loin des champs de bataille et où l'islam est peu présent, pouvait se sentir aux abris l'attentat de Manhattan, un certain 11 septembre, n’aura pas empêché les Américains de collaborer étroitement avec Al Qaida devenu Al Nosra) en Syrie, dix ans
après, dans le cadre de l’opération Timber Sycamore, opération montée par la CIA pour livrer des armes et donner un entraînement aux forces des Rebelles. L'Europe occidentale au contraire ne pouvait être que la victime collatérale ou délibérée ?) d'une telle politique.
Donald Trump, le premier, a rompu cette alliance névrotique en commençant par donner à ses troupes en Syrie la priorité de détruire Daech. Ce virage considérable explique en partie la haine qui le poursuit aux États-Unis et en Europe, en particulier dans les médias, de la part non pas tant des musulmans que des idéologues nihilistes qui, presque partout aux postes de commande, instrumentalisent les musulmans pour détruire l'Occident. Dans Le seigneur des anneaux, Tolkien montre comment la montée d'une puissance (le Mordor en l’occurrence sur la scène internationale produit, au-delà des actes d'allégeance explicites, une sorte de champ magnétique qui incline la plupart des hommes à se faire de plus en plus déférents et serviles à son égard.
Les seuls à échapper à cette fascination sont les Hobbits, petits hommes simples et courageux. Nous attendons les Hobbits.
* Auteur de La France et l'OTAN en Syrie, le grand fourvoiement, Bernard Giovanangeli, 2019.
Roland Hureaux* monde&vie 14 novembre 2019