Le député des Pyrénées-Atlantiques Jean Lassalle livre pour Boulevard Voltaire son analyse de la situation politique et sociale de la France en pleine réforme des retraites. Mais il raconte aussi ce qu’il a vu dans les manifestations et annonce sa candidature à la présidentielle.
Qu’avez-vous pensé de cette mobilisation autour de la réforme des retraites ?
Que disent ces événements sur l’état du pays ?
C’est l’état dans lequel se trouve réellement le pays. Ce pays est profondément divisé sur tous les plans. Il a peur et n’a plus confiance en rien et en personne. Il ne voit pas de futur. Le peu qu’il pourrait entrevoir lui échappe entre les pieds.
Ils ne comprennent absolument rien à ce que l’on propose.
Après les Gilets jaunes, l’État a été l’ébauche d’une révolution. C’était d’inspiration révolutionnaire. En ce début d’année 2020, ils ont dit beaucoup plus en un an que nous n’avions pu dire en trente ans. Ils ont dit la réalité des hommes et des femmes, des Français et des Françaises.
C’est la première fois que les syndicats ont l’occasion de reprendre la main sur la contestation sociale. Les différentes manifestations se sont levées contre la réforme des retraites. Ces manifestations étaient plus rouges que jaunes.
Cette reprise en main des syndicats prouve-t-elle que la contestation sociale sera plus organisée ?
Oui. J’ai constaté qu’un cran avait été franchi depuis un an. Ce n’est plus une contestation, mais une position de désespoir absolu. Les citoyens n’ont plus confiance et l’expriment à leur manière très forte. Rien n’est réglé sur le fond parce que le fond est lourd et grave.
Les Gilets Jaunes avaient déjà beaucoup dit. Le fait que les syndicats et leur organisation viennent se mêler d’une très bonne chose n’a pas été un gage absolu de sécurisation des manifestations.
Je vais faire une demande de commission d’enquête pour savoir qui sont réellement ces hommes vêtus de noirs systématiquement dans toutes les manifestations. J’ai fait toutes les manifestations du mois de décembre et j’ai observé qu’ils étaient très bien organisés. Ils peuvent arriver à quinze ou vingt ou même à quatre. Ils sont aussi équipés que les policiers. Ils ont des micros et peuvent communiquer entre eux. Ils arrivent dans un lieu où tout se passe bien et d’un seul coup deux d’entre eux mettent des gilets jaunes et tapent sur les policiers. Ceux qui sont restés en noir tapent sur les Gilets Jaunes.
Ils frappent avec une violence inouïe. Mais qui sont-ils ?
Avez-vous vu ces choses ou vous les a-t-on racontées ?
Je les ai vus de mes propres yeux. Je suis intervenu, alors qu’on matraquait littéralement un policier dans une petite cour. Le policier prenait des coups de toutes part. Je suis allé et je leur ai dit « que faites-vous ? » Ils ont été surpris et m’ont reconnu. Ils étaient entièrement cagoulés. Je m’attendais à me battre, mais ils sont partis. J’ai continué à suivre la manifestation et eux ont également suivi. Lorsque nous sommes arrivés place de la Nation, l’un d’entre eux est passé à côté de moi, a levé sa cagoule et m’a regardé intensément. J’ai suivi son regard et il a continué.
Qui sont-ils réellement et comment peuvent-ils agir ? J’ai posé la question à des gradés de la gendarmerie et de la police. Ils m’ont dit que c’était la règle et qu’il devait les laisser rentrer. Ils avaient pourtant un immense drapeau noir qu’ils traînaient derrière eux. On voit bien qu’à chaque fois qu’ils interviennent, il n’y a systématiquement plus de manifestations. Elles sombrent dans un contexte de violence totale.
Comment expliquer qu’il n’y a aucun blessé sérieux, alors que tous ces blacks blocs sèment le chaos. En revanche, les Gilets Jaunes, eux sont éborgnés, matraquaient et violenté.
Soit une partie de ces hommes en noirs sont des policiers, soit le gouvernement laisse volontairement ce chaos se propager afin de discréditer ces opposants…
Quelle que soit la réponse à votre question, on ne peut pas laisser cette affaire sans réponse. Elle est gravissime. Il faut savoir qui ils sont et quel est le lien qu’ils ont avec la hiérarchie des forces de l’ordre et surtout avec le gouvernement. Je ne pense pas qu’à chaque manifestation, ces individus puissent intervenir de manière aussi organisée sans que jamais un voile ne soit levé sur leur identité et sur leur véritable motivation.
Jean-Pau Delevoye est parti et a été remplacé. Édouard Philippe a pris la relève pour porter cette réforme devant l’opposition.
Depuis le début de cette réforme, Emmanuel Macron s’exprime très peu sur le système des retraites.
Chaque parole présidentielle publique est comptée. Comment interprétez-vous cette stratégie de l’exécutif ?
Ont-ils compris le pays ?
Depuis le début, j’avais compris qu’ils n’avaient absolument pas compris le pays. Emmanuel Macron s’est beaucoup inspiré de ce que j’avais fait. Sauf que moi, j’ai fait 6000 km à pieds en neuf mois. Emmanuel Macron, lui, a fait deux fois le tour de son salon et a dit « En Marche ». Ce n’est pas tout à fait la même chose. Il a repris beaucoup de mes idées, mais pas du tout de la même manière. Il s’est beaucoup intéressé au rapport que j’ai remis à monsieur le président de la République à l’issue de mon périple. Je l’avais remis aux plus hautes instances de l’État et il l’a bien étudié. Ceci étant, regardez le cursus de monsieur le président de la République. Il a fait ses classes chez Rothschild. Il arrive secrétaire général de l’Élysée. Il est propulsé ministre. Et finalement, en quelques semaines, il se débarrasse du Premier ministre et du président de la République.
Je ne pense pas que l’on puisse faire cela lorsqu’on est un homme seul même si l’on suscite beaucoup d’intérêt auprès de ceux qui voulaient en finir avec l’UMP et le PS dont je faisais partie.
Il faut de très puissants atouts, y compris financiers. Il faut aussi de puissants appuis au sommet de l’État. C’est la raison pour laquelle il faut que l’on réforme l’État. L’État n’est plus au service des Français. Or, l’État est un symbole et en même temps un outil. Il faut absolument qu’on intéresse au rôle de ces immenses capitaux qui pourrissent l’ensemble de la démocratie française actuellement.
Vous avez fondé votre parti et hésitez à vous représenter aux élections présidentielles.
Récemment, vous étiez dans une émission face à Eric Zemmour.
Régulièrement, les journalistes se disent « et si Eric Zemmour se présentait aux élections présidentielles ? »
Si c’était le cas, cela vous irait-il ou l’affronteriez-vous en tant que candidat ?
Si je garde une bonne santé physique et morale, je me représenterais de nouveau. Je sais pourtant ce qui m’en a coûté de le faire une fois. Quant à Eric Zemmour et tous les autres, chacun est libre.
Depuis une quarantaine d’années, j’ai travaillé à faire émerger une voix singulière.
Aujourd’hui, je crois pouvoir parler à l’ensemble de l’échiquier politique de mon pays. Je pense que notre pays ne s’apaisera pas tant que nous n’aurons pas déjoué cet entrelacs que nous avons introduit dans la relation au cœur du peuple français. Je serais candidat, parce que je veux rassembler l’ensemble des pays. Je ne crois pas plus à l’union des droites fussent-elles radicales qu’à l’union des gauches tout aussi radicales. Je crois à un pays qui n’est jamais aussi bien inspiré. C’est un pays qui a du génie et qui a tellement contribué à faire monter l’humanité en civilisation. Ce pays peut se retrouver à condition d’être rassemblé.