Il y a des personnages que l’on croit immortels parce qu’on les a toujours connus et qu’ils font partie du décor, un peu comme Line Renaud ou Giscard, dans un autre genre. Michel Catty, plus connu sous le surnom de Michou, était de ceux-là.
Sous ses allures de grande folle, Michou incarnait tout d’abord la réussite du jeune provincial monté à la capitale pour y réussir, et ce fut le cas. Son cabaret de transformistes était devenu un monument de Montmartre, un pilier de la nuit parisienne. C’était un des rois de la fête, mais un roi qui n’avait jamais rompu avec ses origines populaires et qui demeurait à distance avec les stars du show-biz. Il y eut même une époque où son cabaret était perçu avec condescendance par les snobs et les vaniteux, avant de redevenir très tendance. Car Michou, c’était l’antithèse des LGBT, jouant de son homosexualité comme s’il se parodiait ; il ne se prenait pas au sérieux. Il ne provoquait ni ne voulait choquer personne. Il ne revendiquait rien et, surtout, ne réclamait aucun droit spécifique. Ce qui était appréciable, avec Michou, c’est qu’il ne donnait aucune leçon de morale parce qu’il n’en avait aucune à recevoir. Il accueillait tout le monde, y compris Jean-Marie Le Pen, et n’était pas dupe des tentatives de récupération politique de la part des édiles à la recherche d’un électorat communautaire.
Bien avant de plaire aux bobos, Michou avait le souci de s’occuper des vieillards du XVIIIe arrondissement pour qui il réservait une soirée mensuelle à ses frais. Généreux, il aidait discrètement les indigents, sans tambour ni trompette ni à grands coups de show télévisé. Eh oui, derrière Zaza, le personnage qu’il avait inspiré à Jean Poiret dans sa pièce La Cage aux folles, il y avait un homme de cœur charmant, libre d’esprit, profond et hors des modes. Preuve que la véritable élégance rime souvent avec légèreté.
Je ne me fais aucun tracas sur son accueil au Ciel, car saint Pierre a dû lui ouvrir la porte du paradis sans hésiter, Michou y a donné la touche supplémentaire qui plaît aux nobles âmes, celle du bleu de la chlamyde de saint Martin. Chapeau, l’artiste !