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Résiste, prouve que tu existes...

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Ces paroles de "Résiste", une chanson composée par Michel Berger pour France Gall, me sont toujours apparues comme une devise, en tout cas comme une honorable injonction, quand je travaillais, magistrat, au sein de l'espace judiciaire.

Il est clair que dans l'acte de résistance, au quotidien ou de manière grandiose ou non dans l'Histoire, il y a souvent au départ une envie de s'affirmer, de se distinguer, de sortir du lot, de démontrer qu'on n'est pas dans le troupeau des attentistes ou des frileux et qu'on n'a pas besoin de la victoire pour oser sortir du bois et de la mêlée indistincte, incertaine, des événements.

En même temps, le savoir et l'expérience font apparaître - c'est souvent une source d'ironie - une tendance à se qualifier de résistant pour tout et n'importe quoi.

Je n'évoque même pas le surgissement inopiné et miraculeux de tous ces résistants qui étaient, en France, plus nombreux que ses habitants lors de la Libération. De tous ces courages rétrospectifs, de ces audaces après l'heure, au pire de ces lâchetés, au mieux de ces précautions métamorphosées en un héroïsme d'après-coup.

Dans la banalité des jours, il ne suffit pas non plus de dire non systématiquement pour pouvoir se vanter d'être un résistant. Tout caractériel ne mérite pas d'être qualifié ainsi. Il y a des non d'habitude et de confort et des non parfois osés. Il me suffit de revenir dans le monde judiciaire et de me rappeler combien le refus de se soumettre à une autorité médiocrement respectable était peu fréquent. Le oui est paresseux et sans risque. Le non, parfois un défi jeté à la face de l'autre ou de la réalité.

Dans ce registre, il y des non "qui sonnent magnifiquement" et j'aime la comparaison que Marie-Noëlle Tranchant s'efforce de faire entre trois films, chacun remarquable dans son genre : "Une vie cachée", "De Gaulle" et "Lettre à Franco" (Le Figaro).

Même si ces récits évidemment tirés d'une Histoire revisitée ne mettent pas en évidence le même type de résistance et des ressorts similaires.

Dans le premier film, il s'agit d'une splendide et surhumaine opposition à l'horreur du nazisme - perçu comme l'Antechrist - inspirée par une foi chrétienne sans concession ni faiblesse, allant jusqu'à la mort.

Dans le deuxième, il y a le mélange d'une destinée exceptionnelle, d'une conscience politique, d'une haine de la défaite et d'une vision plus forte que tout de l'honneur. La France ne peut pas mourir sans se battre, être défaite sans résister.

Le dernier, en revanche, révèle la progressive montée d'une lucidité, d'une vigilance, d'une indignation qui fait d'une personnalité infiniment respectée par l'Espagne - Miguel de Unamuno - un opposant au franquisme et à ses manifestations dictatoriales et intolérantes.

En Histoire, il y a des résistances dont aucune n'a à rougir par rapport aux autres mais qui pour les unes sont plus pures, pour les autres, plus intéressées et tactiques, et pour telle ou telle, plus lentes à se mobiliser parce qu'il convenait de laisser le réel les influencer pour les contraindre à advenir.

L'acte authentique de résister est difficile. S'il est aisé de dire non mécaniquement, de présenter n'importe quel petit accès de dissidence comme un exemple absolu d'intrépidité, il est en revanche rare d'accepter de mettre sa vie, ses idées, son sort, son destin, son quotidien, son métier, son futur en péril pour demeurer fidèle à soi, à ses principes et à ses valeurs certes mais aussi à une esthétique de soi qui vous interdit la médiocrité et l'abandon au pire.

Oui, plus que jamais, aujourd'hui comme hier, dans la tranquillité comme dans la fureur, résiste, prouve que tu existes...

https://www.philippebilger.com/blog/2020/04/r%C3%A9siste-prouve-que-tu-existes.html

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