Il y a quatorze ans, en 2006, en pleine épidémie de grippe aviaire (virus H5N1), l’hebdomadaire Valeurs actuelles, dans son numéro du 3 mars, publiait, sous le titre : « Le coût d’une pandémie », un article prémonitoire de la journaliste Anaïs Guilbaud. Nous vous en livrons les meilleurs passages…
« (…) Le 11 février (2006 - NDLR), les ministres des Finances du G-8 réunis à Moscou ont insisté sur le coût d’une éventuelle épidémie de grippe aviaire – se transmettant d’homme à homme à une très grande échelle après mutation du virus – sur l’économie mondiale. Différentes estimations plus ou moins catastrophistes ont été faites, notamment aux Etats-Unis, au Canada et en Asie. Toutefois, les incertitudes quant à la virulence et à la contagiosité du virus une fois qu’il aura muté empêchent de déterminer de manière précise le nombre de personnes susceptibles de contracter la maladie, voire d’en mourir, et les impacts économiques qui pourraient en résulter.
Deux types d’effets sont déjà envisageables, hormis les pertes de production de volaille et d’exportation.
En cas de pandémie, l’impact le plus immédiat ne serait pas lié aux décès ou maladies mais aux efforts des individus pour éviter l’infection.
S’ensuivrait une sévère baisse de la demande dans le secteur des services, et en premier lieu le tourisme, les transports et l’hôtellerie, comme en témoigne l’expérience du SRAS (en 2003 – NDLR). Quelques jours après la confirmation de la présence du virus H5N1 dans le delta du Danube, les voyagistes et hôteliers roumains constataient déjà des manques à gagner de plusieurs millions d’euros.
En plus des coûts immédiats, l’impact de la maladie sur la population active pourrait entraîner une baisse importante de la production à l’échelle mondiale. Selon l’Oxford Economic Forecasting (OEF), cette baisse serait d’environ 0,5%, soit 200 milliards de dollars, pour chaque 1% de la population rendu inactif à cause de la pandémie. Au total, d’après les calculs de l’OMS basés sur les travaux de l’OEF, une pandémie de grippe aviaire pourrait entraîner 800 milliards de dollars de perte, soit une baisse de 2% du PIB mondial annuel. L’OEF estime qu’un tel phénomène pourrait causer à plus long terme un repli de 4 à 5% du PIB mondial, soit 1 500 à 2 000 milliards de dollars.
La répartition des coûts d’une pandémie serait néanmoins très inégale. A priori, les pays dont l’économie est très dépendante du tourisme et les pays les plus ouverts au commerce international seraient les plus affectés par une baisse de la demande liée à la maladie.
Autres victimes majeures potentielles, les Etats dont les systèmes de santé humaine et animale sont les moins développés.
Selon la Banque mondiale, les pertes s’élèveraient à 550 milliards de dollars pour les seuls pays riches, dont 100 à 200 milliards pour les Etats-Unis. A noter que ces calculs ne prennent en compte que les décès, les hospitalisations, l’absentéisme et les pertes qui en découlent. Ils écartent d’autres conséquences économiques probables, comme la baisse de la consommation, qui seront sûrement les plus importantes en raison de la peur des consommateurs et des mesures de restriction prises par les autorités pour limiter les échanges.
Le poids de la méfiance humaine, les phénomènes de panique, notamment s’ils sont relayés par les médias, pourraient avoir des effets plus dévastateurs et des conséquences à plus long terme que le virus lui-même.
Les entreprises auront un rôle clé à jouer pour limiter les impacts négatifs d’une pandémie sur l’économie et la société. Elles doivent dès maintenant prendre des dispositions pour limiter les risques de propagation au sein du personnel, en identifiant les personnes à risque et en réant un environnement de travail plus salubre.
Dans les secteurs les plus touchés, comme le tourisme, elles devront tenter de mobiliser des financements pour survivre à un repli sévère de la demande et à une chute de la trésorerie pendant une période de six mois à deux ans. (…) Selon une étude d’analystes financiers canadiens, la répercussion d’une pandémie de grippe aviaire sur l’économie mondiale serait comparable à la grande dépression des années 1930, entraînant un nombre record de faillites dans tous les secteurs de l’économie. En bonne logique, seules les industries pharmaceutiques et des télécommunications seraient alors susceptibles de connaître un développement important. »
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