Marc Rousset
Édouard Philippe avait déjà alerté, en tant que chef du gouvernement, sur le risque d’écroulement de l’économie. Mercredi dernier, à Octeville-sur-Mer, lors d’un discours de soutien à une sénatrice LR, il a confirmé son diagnostic d’une tempête économique, sociale, sanitaire et politique à venir.
La situation boursière est ubuesque, avec un NASDAQ 100 qui était à environ 9.000, en mars dernier, pour descendre à 7.000, en avril, puis pour remonter à plus de 12.000, début septembre, et qui a terminé, vendredi, à 10.793. Le S&P 500 a évolué à l’identique, mais d’une façon beaucoup plus lissée. Le fractionnement des actions à Wall Street a encouragé la folie spéculative, tandis que la volatilité augmente. Ce sont les seuls bas taux d’intérêt de la Fed et l’importance des « QE » déversés par cette dernière qui sont à l’origine de la bulle. Le CAC 40, lui, a plutôt le moral en berne et vient de repasser en-dessous des 5.000.
Le secteur du luxe, avec L’Oréal et Pernod-Ricard, représente désormais 40 % de la capitalisation du CAC 40, tandis que les secteurs des banques, du transport et du tourisme ont été laminés. La plus forte baisse de l’année est la foncière Unibail-Rodamco-Westfield, soit -73,8 %. La prochaine fuite en avant de la Fed sera le rachat des actions en cas de krach. La banque centrale du Japon a un « QE » trois plus élevé que celui de la Fed et détient 40 % des entreprises japonaises, ainsi qu’une part importante des obligations du Nikkei par le contrôle, à 80 %, des ETF japonais.
Non seulement la Fed a renoncé à sortir du « QE », contrairement à ses engagements précédents (tapering), mais elle s’y enferme en tolérant les bulles spéculatives, en acceptant des taux d’inflation à venir de plus de 2 %, en annonçant des taux plancher d’intérêt proches de zéro jusqu’en 2024, alors que le triplement du déficit budgétaire américain, pour 2020, s’élèvera à 16 % du PIB ! Les premières victimes de cette politique monétaire et fiscale seront les consommateurs et les détenteurs d’obligations.
Quant à la BCE, avec la Suisse et le Japon, elle est la seule banque centrale dans le monde à pratiquer des taux d’intérêt négatifs (-0,50 %). Elle renonce à maintenir une inflation en dessous de 2 % et va continuer, comme la Fed, sa politique de rachat d’actifs suite à la pandémie (512,29 milliards déjà rachetés au 4 septembre, avec une enveloppe globale de 1.350 milliards). Mais la BCE semble au bout du rouleau, dépassée par les événements, suite au chômage important à prévoir pour cet automne. La seule possibilité, c’est la fuite en avant en attendant le krach ou la catastrophe monétaire ou la révolte des faucons de l’Europe du Nord.
Chez Airbus, les départs volontaires seront insuffisants et le président Guillaume Faury va devoir tailler dans les effectifs par des licenciements secs, compte tenu de la conjoncture actuelle du secteur aérien. Mais le signal le plus inquiétant, pour la France, est l’arrêt de l’usine du Japonais Bridgestone à Béthune, qui caractérise le manque de compétitivité de la France en Europe même, avec des syndicats irresponsables et des charges sociales trop élevées. Bridgestone a sacrifié l’usine européenne la moins compétitive en Europe qui avait refusé, par référendum, un accord de compétitivité en 2019. Un autre facteur structurel est l’absence de protection douanière (droits de douanes de 4,35 % à 87,99 % aux États-Unis) face à la concurrence asiatique (déjà 25 % du marché européen). Si l’Europe n’adopte pas la protection douanière vis-à-vis des pays émergents, il n’y aura bientôt plus d’usines en Europe, y compris en Allemagne, qui ne perd rien pour attendre. Dans l’immédiat, comme en 1958, le retour à la monnaie commune et une dévaluation du franc de 30 % semblent, malheureusement, s’imposer si la France ne veut pas perdre toutes ses usines !
Une crise bancaire se profile en Europe. La BCE vient de modifier le ratio d’effet de levier pour obliger les banques à moins prêter. Aux États-Unis, le milliardaire Buffett s’est retiré du secteur bancaire. Suite aux provisions trop importantes sur les créances, une vague de fusions bancaires se prépare : CaixaBank et Bankia, en Espagne, Intesa Sanpaolo et UBI, en Italie, UBS et Crédit suisse, en Suisse, avec de très nombreux autres candidats en Espagne et en Italie.
Au Royaume-Uni, avec le recours probable aux taux d’intérêt négatifs de la banque centrale et la perspective d’une sortie de l’Union européenne sans accord, la situation n’est pas non plus très brillante.