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Quand le chef des poulets perd des plumes

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Confronté aux manifestations « antiracistes » organisées en soutien à un clan d’immigrés maliens dont plusieurs membres ont un passé judiciaire chargé, le ministre de l’Intérieur à « lâché » ses flics. La révolte gronde dans ses rangs.

Une vidéo datant du 8 juin, qui circule sur Internet est révélatrice de la situation et de l'état d'esprit actuel de la police. Elle montre des policiers du Rhône (l'endroit exact où se situent les faits n'est pas précisé, mais on peut penser que c'est à Lyon) pris à partie par des voyous visiblement « issus de l’immigration », comme on dit, lors de la manifestation « contre le racisme et les violences policières ». Il y a là deux voitures de flics. Matraque brandie, un policier tente de maintenir à distance les agresseurs qui le bombardent de projectiles divers. Il finit par remonter en voiture et les véhicules de police prennent la fuite, laissant la racaille maîtresse du terrain. Le commentaire des commissaires de police SIPC (service interdépartemental de protection civile) qui ont posté ces images sur le réseau Twitter est édifiant : « Aujourd'hui, nos collègues de la PoliceNat69 sont passés à côté d'un lynchage en règle. Leur sang-froid et leur professionnalisme leur ont permis de se sauver in extremis ! Nous sommes admiratifs du courage de ces policiers. Vous avez dit Violences Policières ? »

Le courage, le sang-froid et le professionnalisme des policiers leur commandent donc... de prendre la fuite ! Dans ces conditions, on conçoit qu'ils aient mal accueilli les récentes déclarations, assorties de menaces à leur endroit, de Christophe Castaner ancien protégé d'un caïd de la pègre marseillaise devenu ministre de l'Intérieur par la grâce d'Emmanuel Macron.

Les émotions de Castaner

Le 8 juin, celui-ci a déclaré qu'« aucun raciste ne peut porter dignement l'uniforme de policier ou de gendarme. J'ai demandé à ce qu’une suspension soit systématiquement envisagée pour chaque soupçon avéré d'acte ou de propos raciste. » Cette notion de soupçon avéré est pour le moins paradoxale, mais ce ne sont pas tant les approximations linguistiques de Castaner qui ont irrité ses flics, que la suspicion implicite que ses propos laissent planer sur la police au moment où elle est prise à partie par la racaille des banlieues, où les policiers de couleur se font traiter de « vendus » par les manifestants et où les plus hautes autorités de l'Etat - à commencer par le ministre de la justice Nicole Belloubet à l'instigation d'Emmanuel Macron lui-même - se couchent comme des carpettes devant la famille Traoré, dont plusieurs membres ont de lourds casiers judiciaires.

Pour faire bonne mesure, Castaner en a rajouté le 9 juin, en déclarant que « les manifestations ne sont pas [autorisées] dans les faits », mais que « l'émotion mondiale, qui est une émotion saine sur ce sujet [des violences policières racistes, ndlr], dépasse au fond les règles juridiques qui s'appliquent. » Il précise par ailleurs qu'« il n'y aura pas de sanction et de procès-verbal » contre les manifestants et que lui-même serait « parfaitement à l'aise » en posant un genou à terre contre le racisme. On l'avait connu moins « émotif» face aux Gilets jaunes...

Cette émotivité suspicieuse du ministre l'a aussi conduit à interdire aux flics de recourir à la technique d'interpellation « d'étranglement » (qui pourrait être remplacée par une plus large utilisation du taser (pistolet à impulsion électrique et à effet paralysant) et à mettre en place un récépissé de contrôle d'identité, apparemment pour dissuader les pandores de commettre des actes racistes...

Les réactions des policiers à ces déclarations de leur « patron » théorique ont été vives. Yves Lefebvre, du syndicat Unité SGP Police, a ainsi invité ses collègues « à ne plus interpeller à ne plus intervenir », et ajouté que « les flics de France ne considèrent plus Christophe Castaner comme le supposé premier flic de France. Il nous a lâché lundi, nous a jetés en pâture lundi. À lui de regravir l'Everest de la confiance ». Apparemment, le ministre va avoir fort à faire pour redevenir premier de cordée... Fabien Vanhemelryck, secrétaire général du syndicat Alliance, a jugé lui aussi, en utilisant une image un peu plus "métier" que « le ministre est en dehors des clous mais le président de la République l'est tout autant ». Plus à droite, la Fédération professionnelle indépendante de la police (FPIP) se demande ce qu'il en sera « des prochaines manifestations de policiers, car au rythme où vous allez, Monsieur le ministre, la grogne prend de l'ampleur et nous ne savons pas où elle pourrait s'arrêter... »

Sur le « terrain », cette grogne est aussi palpable. Dans de nombreuses villes, comme Saint-Etienne, Bobigny, Toulouse, Lille, Rennes, Lyon, ainsi que dans les Hauts-de-Seine, le Val-de-Marne, en Seine-Saint-Denis, les policiers ont déposé leurs menottes à terre en signe de protestation le 10 juin ils étaient des dizaines à manifester à Nice, une centaine à Roubaix le 11 le 12, à Paris, une vingtaine de camionnettes descendaient les Champs-Elysées en klaxonnant jusqu'au ministère de l'Intérieur place Beauvau - le choix du lieu rappelant évidemment l'utilisation par le pouvoir actuel de la police contre les Gilets jaunes.

Autre anecdote qui en dit long sur l'état d'esprit actuel des policiers. À La Rochelle, le 9 juin, une patrouille motocycliste croise un jeune homme qui, arrivé à sa hauteur crie à plusieurs reprises ACAB, ce qui signifie (il faut le savoir...) « All Cops Are Bastards » (tous les flics sont des bâtards). Rentrés dans leurs locaux, les policiers insultés ont raconté la suite dans une main courante : « vu la conjoncture actuelle nationale, informons l'individu que son comportement outrageant et provocateur n'est pas acceptable et intolérable envers les policiers et k laissons nous insulter copieusement lors du contrôle. Remettons l'individu en circulation sur son vélo, le saluons poliment et lui souhaitons une bonne fin de journée. Pas d'interpellation afin d'éviter toute éventuelle émeute ou future accusation de racisme. »

L'ingratitude du pouvoir

La colère est d'autant plus vive que, depuis la jacquerie des Gilets jaunes, en passant par les protestations des médecins et infirmiers, des pompiers, ou même des agents publics mobilisés par les syndicats contre la réforme des retraites, les policiers ont été largement utilisés par le pouvoir pour réprimer durement les manifestations. C'est d'ailleurs ce qu'a voulu rappeler le choix des Champs-Élysées pour la manifestation motorisée des policiers à Paris. S'est ensuivi une perte de popularité du flic, sensible dans les enquêtes d'opinion. En janvier 2020, un sondage Ifop réalisé pour L'Express avait montré que 43 % des Français seulement faisaient confiance à la police, qui apparaissait « de plus en plus comme un organe de répression au service d'un gouvernement impopulaire », analysait alors le politologue Jérôme Fourquet. Il ressort d'enquêtes publiées en juin que cette image se redresse 69 % des Français disent faire confiance à la police (et 81 % à la gendarmerie). On pourrait donc en conclure que les manifestations de soutien au clan Traoré, et peut-être les déclarations ineptes de Castaner, valent aux policiers un regain de popularité. Mais on reste très loin du mouvement de sympathie qui avait succédé aux attentats islamistes de 2015. Les Français qui ont essuyé les jets de gaz lacrymogènes et les tirs de LBD mettront sans doute du temps à oublier ces violences policières-là, qui n'émouvaient personne dans les allées du pouvoir.

On comprend d'autant mieux que les policiers, CRS ou gendarmes, coupés de ces franges de la population française et d'autres part vomis par la racaille des cités et ses soutiens à gauche et à l'extrême gauche, goûtent peu l'ingratitude du pouvoir. Le Directeur général de la Police nationale, Frédéric Veaux, et le sinistre préfet de police de Paris, Didier Lallement, tentent comme ils peuvent de calmer et remotiver leurs troupes. « Face aux confusions et aux amalgames entretenus par une minorité, je partage avec vous le sentiment d'une profonde injustice », écrit le premier « Ceux qui prétendent que la violence est structurelle dans nos actions, mentent », ajoute le second dans une lettre aux policiers, intitulée « Ne doutez pas ! » Même l'impayable Sibeth Ndiaye, porte-parole du gouvernement, a appelé sur France-Info les forces de l'ordre à ne pas « être dans l'émotion ». Elle n'aurait pas pu choisir un mot plus adapté !

Mais aux yeux des flics, le premier à pratiquer ces amalgames et à diffuser ces mensonges s'appelle aujourd'hui Christophe Castaner. À l'heure où nous écrivons, ce dernier est encore en place. Mais le ministre de l'Intérieur a beau s'accrocher à son portefeuille comme une moule à son rocher, les remous créés par ses déclarations sont aujourd'hui si forts qu'ils pourraient bien l'en arracher.

photo Après avoir sauvé le pouvoir face à la révolte des Gilets jaunes, les flics viennent de se faire une nouvelle fois lâcher par ce même pouvoir toujours enclin à se coucher devant l'émotion médiatique. Dans plusieurs villes de France. les policiers ont symboliquement déposé leurs menottes au sol (ici à Bobigny).

Hervé Bizien Monde &Vie 20 juin 2020 n°987

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