600 éoliennes devraient être déployées près des côtes françaises d'ici 2019. Et ce n'est qu'un début.
Défigurera-t-on nos sites côtiers sous prétexte d'écologie ? Le 11 janvier 2012 s'est achevé l'appel d'offres portant sur l'établissement de cinq parcs d'éoliennes qui seront érigés en mer entre 2016 et 2019. Au total, entre environ 600 turbines géantes devraient être déployées, à une quinzaine de kilomètres des côtes seulement, devant Saint-Nazaire, Saint-Brieuc, Fécamp, Courseulles-sur-mer et Le Tréport. L'investissement avoisinera 10 milliards d'euros et le gouvernement annonce la création « potentielle » de 10 000 emplois directs ou indirects dans la région. Et ce n'est qu'un début, puisqu'il est prévu de construire 1200 éoliennes le long des côtes françaises d'ici 2020.
Tout irait pour le mieux au royaume du vent ? Rien n'est moins sûr. Comme le souligne Hervé Texier, vice-président de la Fédération de l'Environnement Durable (FED), « l'énergie éolienne produit très peu d'électricité en regard des investissements nécessaires. Les surcoûts sont considérables et en définitive, c'est le contribuable et le consommateur qui paieront la facture. » Une facture qu'il évalue à 1,5 milliard d'euros.
En outre, les sites sont menacés : « J'étais hier près d'Arromanches et je n’arrivais pas à comprendre que les gens du cru puissent permettre sans réagir qu’on installe tout près de leur côte et des plages du Débarquement, une centaine de mâts métalliques d'une certaine de hauteur », poursuit Hervé Texier.
Des associations tentent pourtant de s'opposer au projet, « difficilement car l’État a directement la main dessus. Nous avons engagé une procédure juridique, sans grand espoir face à des monstres de la taille d'EDF. »
Ras-le-bol des écolos de salon
L'exemple du Mont Saint-Michel n'incite pas à l'optimisme. Un champ d'éoliennes terrestres devait aussi être installé à proximité de ce site prestigieux : « Nous avons sollicité avec beaucoup d'insistance l'Unesco, qui a fini par réagir, explique Hervé Texier, mais le problème n’est pas complètement résolu certes, on n'installera pas d'éoliennes à moins de 40 kilomètres à l'ouest, ni à l’est du Mont, mais il sera possible d'en mettre à 20 kilomètres au sud et c'est là qu'on les verra le mieux. »
La lutte est d'autant plus inégale que les éoliennes, marines ou terrestres, éveillent les appétits. « Les éoliennes terrestres notamment représentent une manne financière pour les communes rurales, communautés de communes et départements, ainsi que pour les agriculteurs qui louent leurs champs aux promoteurs. Pour gagner de l’argent, on viole le paysage et on saccage le patrimoine français. Mais tout le monde n’est pas gagnant les maisons auprès desquelles les éoliennes sont érigées ne se vendent plus, perdent leur valeur, et la multiplication des machines s'accompagne d'une multiplication des protestations. »
Qu'importe ! L’éolien est à la mode, comme l'a encore montré le débat de l’entre-deux-tours de l'élection présidentielle. « François Hollande pourrait faire encore pire que Nicolas Sarkozy, qui avait déclaré voilà quelque temps que le nombre d'éoliennes en France était suffisant, s'inquiète Hervé Texier. De nombreuses administrations sont aux mains des Verts, qui s'en tiennent à un slogan purement politique "oui à l'éolien, non au nucléaire". Je suis moi-même écologiste, j'ai fait de l'écologie mon métier et travaillé sur les problèmes de pollution du littoral mais j'en ai ras-le-bol des "écolos" de salon. Il est facile de dire "oui à l'éolien" quand on est citadin, mais qu'ils viennent voir ce qu'il en est à la campagne. »
Et bientôt, sur les plages.
Jean-Pierre Nomen monde&vie 5 mai 2012 n°859