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Le libéralisme oui - mais pas les libertés (texte de 2014)

Abasourdi par le climat des affaires et les interdits citoyens qui se multiplient, le citoyen lambda - qui en démocratie (mais y sommes-nous encore ?) est la base de la société - se demande désormais au quotidien si le libéralisme, qu'il tient pour une des valeurs républicaines, a aujourd'hui un soupçon de réalité. En opérant certaines distinctions, par exemple, entre libertés et libéralisme. Les libertés ont dorénavant la portion congrue. Mais le libéralisme est plus florissant que jamais…

Il suffit de se pencher un peu sur l'actualité pour cueillir les exemples à la pelle. 

Prenez l'Ukraine. Le problème n'existe que lorsqu'il apparaît clairement économique. Ainsi à Sidney, il n’y a pas un mois, nos financiers du G20 semblaient n'en tenir aucun compte : pas un mot dans leur communiqué final. Depuis, on a appris (ou compris ?) que nos intérêts européens pouvaient être touchés, et l'on menace de boycotter le G8 de Sotchi - où nos athlètes, pourtant, ont semblé trouver leurs aises.

C'est que, tout à coup, nos politiques se sont souvenus - mais que font-ils le reste du temps ? - que l'Europe dépendait fortement du gaz russe. Et bien que Berlin prenne désormais, face à Moscou, des airs de matamore, il est délicat de défendre une démocratie nominale dont on se dispensera d'aller étudier la réalité sur le terrain à un tel prix. Suffira-t-il de s'entendre, en sous-main, sur la Crimée ?

Libre-échange...

Autre exemple : celui de l'accord de libre-échange et d'investissement entre l'Union européenne et les États-Unis, qui viendra renforcer le pouvoir des entreprises transnationales. Au point de leur permettre, devant un tribunal international spécialement chargé de ces questions, de contester les règlements tant nationaux qu'internationaux s'ils compromettent leurs profits.

Rien de plus efficace effectivement, et de plus libéral, que de s'organiser sa petite législation à soi… Barack Obama, chantre mondialiste du libre-échange (on est loin tout de même de Montesquieu), peut être satisfait. D'autant que, manifestement enthousiaste, le président de la Commission européenne Barroso, applaudit des deux mains.

Seul petit bémol, le Congrès américain ne paraît pas absolument satisfait D'autant, soulignent certains de ses membres, que cela tombe justement avec le vingtième anniversaire de l'Alena, l'accord de libre-échange nord-américain, dont le bilan, estiment-ils, est loin d'être positif.

... mais pour qui ?

Alors que le printemps pointe le bout de son nez calendaire, on apprend que treize millions dé Français, pas moins, cultivent leur jardin. Si ce souci doit ravir Voltaire, il n'en est pas de même de nos hiérarques bruxellois, qui contrôlent, au plus près, les semences utilisées dans l'Union européenne. Il faut utiliser des espèces enregistrées auprès du Groupement national interprofessionnel des semences et plants (GNIS). De toute façon, explique-t-on (pour nous consoler ?), planter les graines d'un fruit que Ton vient de dévorer à belles dents ne donnera qu'un végétai dégénéré.

On se demande, alors, où est le problème ? Ensuite, comment faisaient nos ancêtres ? À moins que cela ne signifie que nos fruits, pour la plupart traités, sont désormais stériles.

Quoi qu'il en soit, si votre gamin, au sortir de table, prend son petit râteau pour aller semer quelques pépins, prenez garde ! C'est de la graine de criminel !

En attendant, les exemples se multiplient de petits maraîchers contrôlés par des agents de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, pour avoir vendu des plants non répertoriés. Au nom, bien sûr, du respect et de la défense des professionnels.

La leçon est claire on peut tout faire, mais soigneusement contrôlé. En définitive, Hollande n'avait peut-être pas tout à fait tort quand il déclarait devant la presse au début de l'année : « Je ne suis pas gagné par le libéralisme, c’est tout le contraire. »

Hugues Dalric monde&vie 18 mars 2014 n°889

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