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Génération identitaire victime de la dissolution de BarakaCity, par Nicolas Lévine.

Paris, novembre 2019

© Remon Haazen/Shutterstock/SIPA Numéro de reportage : Shutterstock40821926_000005

Le projet visant à interdire Génération identitaire en donne fortement l’impression.

Il y a de cela quelques semaines, Gérald Darmanin annonçait sur Twitter la dissolution de l’ONG islamiste Baraka City. Immédiatement, sur le même réseau social, où, sur l’air des victimes (paroles de Camélia Jordana, fanfare du FLN), la plupart des jeunes prennent la défense des djihadistes après chaque attentat, tout ce que la France compte de racisés s’était indigné et avait exigé la dissolution parallèle de Génération Identitaire.

Les figures de l’islamo-gauchisme avaient fait de même. Pas entendues sur le moment, elles ne désarmèrent pas. Le 4 janvier, dans Regards, revue progressiste ultra, elles y allaient carrément d’une tribune afin que « la haine » du « groupuscule d’extrême droite » soit enfin admise par les pouvoirs publics et entraîne sa chute. 

Dans cette philippique, l’exagération voisinait avec le pur mensonge. Aubry, Autain, Thomas Portes et les autres écrivaient que les membres de Génération Identitaire se prêtaient à des « actions violentes, racistes et xénophobes ». Ils précisaient que « pas un mois ne s’écoule sans que ces nervis identitaires mènent des actions de terreur à travers le pays (sic) ». De quelles « actions » parlaient-ils ? Des ratonnades ? Des viols collectifs de femmes noires et arabes dans des fermes vendéennes ? Des décapitations de musulmans ? Des tueries au FAMAS dans des concerts de raï ? Non ! Il s’agissait du déploiement d’une banderole, de l’occupation du toit de la CAF de Bobigny, du « saccage » du siège d’SOS Méditerranée à Marseille. Dans l’esprit des auteurs de ce texte fort mal écrit, l’emploi du mot « terreur » visait bien sûr à amalgamer Génération Identitaire à l’islamisme politique radical – n’hésitez pas à ajouter une épithète, ça ne coûte rien –, à mettre sur le même plan – et même un peu devant, en fait – l’agit-prop d’un mouvement patriotique et les incessants massacres perpétrés, sur notre sol, par des islamistes. Pour justifier cette odieuse comparaison, nos Durutti des beaux quartiers versaient même dans une manipulation digne des heures les plus sombres de l’Union soviétique : « En octobre, en Avignon, c’est un homme portant un blouson de Génération Identitaire qui a braqué et menacé un chef d’entreprise avant d’être abattu par la police ». On se souvient que ce jour-là, déjà sur les réseaux sociaux, les mêmes fanatiques du vivrensemble s’étaient précipités sur ce détail ; ah ! avaient-ils claironné, on vous l’avait bien dit qu’à force d’humilier les musulmans, de gifler leur sensibilité, à force d’oser mêler l’islam aux crimes commis par des loups solitaires ou des déséquilibrés, vous alliez réveiller LABÊTIMONDE. Sauf que, apprit-on rapidement, le trentenaire qui avait erré en Avignon, arme à la main, était un ancien militant du PCF, qu’il avait fait dix séjours en HP, qu’il était inconnu au bataillon chez Génération Identitaire, et que le blouson en question, n’importe qui pouvait – et peut sans doute encore – en acheter un sur Internet. La suite de la diatribe était du même tonneau. En conclusion, ces contempteurs de l’identité française révélaient le véritable motif de leur appel à Darmanin : « Nous sommes extrêmement préoccupés par la décision rendue par la cour d’appel de Grenoble qui a prononcé une relaxe suite à l’occupation du col de l’échelle (sic) ». Au printemps 2018, en effet, des membres de Génération Identitaire avait fort pacifiquement manifesté, au sommet du col en question, contre l’invasion migratoire, sous les huées des médias qui les avaient présentés comme des nazis. C’est d’abord ce verdict qui avait poussé nos maquisards du XIe arrondissement à aligner des mots dans un texte si mal fichu que même Geoffroy de Lagasnerie – le Michel Foucault de Rennes-II – en aurait honte. Malgré le soutien de la magistrature, acquise à la cause antiraciste et à l’intersectionnalité, le droit n’avait pas permis de condamner les « nervis ». Après avoir lu ce torchon, je m’étais dit – j’ai des témoins – que Darmanin ne tarderait pas à céder afin d’envoyer un « signal » à la gauche qui, depuis deux siècles, dans ce pays dont elle déteste tant le peuple, oriente tous les « débats », est l’arbitre des élégances, domine le champ des idées comme la Mannschaft dominait autrefois les Bleus – Schumacher, on te retrouvera. 

Eh bien voilà, ça y est, nous y sommes. Après avoir répété, dans les Pyrénées, sa placide opération des Alpes, Génération Identitaire est à nouveau accablé par « les Amis du Désastre » (Renaud Camus). Et cette fois, Darmanin a pris les choses en main. « J’ai demandé aux services du ministère de l’Intérieur de réunir les éléments qui permettraient de proposer la dissolution de Génération Identitaire », a-t-il twitté. En français, cela veut dire que des fonctionnaires – et des contractuels en plus grand nombre – zélés sont en train de fouiller les CV, les comptes, les draps, les chiottes de tous les membres de l’association. « Il n’est pas de grand homme pour son valet de chambre », écrit Goethe ; il est certain qu’en sondant de la sorte, les équipes du ministre de l’Intérieur trouveront ce qu’elles cherchent ; nos juges rouges-verts pourront ainsi, enfin, condamner ce « groupuscule » qui les fait tant cauchemarder, pèse tant sur leur conscience, qu’ils ont très mauvaise, comme tout gauchiste qui se respecte. 

Quand on est patriote, on a le droit d’être en désaccord avec les actions menées par Génération Identitaire. On a aussi et surtout le devoir de se regarder dans une glace et de se demander ce que l’on fait concrètement pour contrarier l’effondrement accéléré de la civilisation française. Génération Identitaire, avec qui je n’ai aucun lien, dont je ne connais aucun des membres, se bouge, permet à de jeunes gens de se retrouver au milieu des décombres sous le poids desquels, isolés, promis à l’amertume par un système qui vise justement à nous briser moralement, nous croulons.  Et il n’hésite pas, ce mouvement, à occuper cette rue dont la gauche se croit propriétaire. Même s’il commet peut-être des erreurs stratégiques ou de communication – qui n’en commet pas ? –, il contribue au réarmement moral et intellectuel de la jeunesse française contre les puissances qui désirent la liquider. Son programme est, il me semble, plein de bon sens : il affirme que la France appartient d’abord aux Français. Ceux qui pensent que cette revendication est raciste n’iraient jamais contester que l’Algérie appartient aux Algériens, le Bénin, aux Béninois, la Thaïlande, aux Thaïlandais. 
Macron vient de lancer un « débat » sur l’identité nationale. Nul doute que ce dernier aussi ridicule que celui qui avait accompagné les dernières semaines du mouvement des Gilets jaunes. C’était en effet pitié que tous ces élus des territoires qui râlaient parce qu’ils n’avaient pas qui une médiathèque, qui une rocade, qui une dotation suffisante pour mieux nourrir le clientélisme sans lequel ces notables républicains resteraient dans l’ombre à laquelle leur médiocrité les destine. Quel « débat » sérieux est possible quand le pouvoir progressiste en choisit à la fois le cadre, les termes et les participants ? La dernière fois que nous eûmes droit à un raout de ce genre, sous Sarkozy, nous gagnâmes un musée de l’Immigration… De celui-là sortira peut-être un musée Adama Traoré.

Nicolas Lévine est un pseudonyme. Historien, il travaille dans la fonction publique au plus près du sommet de l'Etat et écrit pour "Causeur". Dernière publication : "L'incident", 2020, Ring.

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