Intéressante, la dernière déclaration de Gabriel Attal, porte-parole du gouvernement, dans le JDD de ce week-end ! « Comme beaucoup, je rêve d’un second tour sans l’extrême droite » et « Ne jouons pas avec le feu et mobilisons-nous pour que Marine Le Pen soit reconduite à la frontière de la vie politique par le vote des Français ». Très intéressante !
D’un côté (j’allais dire « en même temps » !), on ne cesse de nous dire que la martingale idéale pour Emmanuel Macron, en 2022, serait un face-à-face avec Marine Le Pen, dont le Président sortant ne pourrait que sortir vainqueur, et, de l’autre, on nous déstocke du musée des accessoires de campagne électorale, curieusement, depuis le débat Darmanin-Le Pen, le fameux épouvantail à faire peur. Ainsi, la semaine dernière, Castaner, dans son rôle de composition préféré, qualifiait Marine Le Pen d’« ennemie de la République ». Ce à quoi Emmanuelle Ménard, députée de l’Hérault, a réagi sur un plateau télé en déclarant : « C’est du grand n’importe quoi ! L’ennemi de la France, c’est l’islamisme ! » Gérald Darmanin, très à l’aise, non pas dans la cour des grands mais de récré, confirmait en déclarant que Marine Le Pen est « méchante ». Bientôt, la présidente du Rassemblement national sera accusée de manger les enfants. Vous me direz que c’est chacun son vice : à droite, on mange les enfants, à gauche, on couche avec…
Alors, comment interpréter cette saillie du porte-parole du gouvernement qui, il faut l’avouer, ne manque pas de talent (disons qu’on en a connu des largement plus mauvais…) ?
Est-ce une façon de répondre aux accusations de la droite, dite républicaine (LR et consorts), qui reproche à la Macronie d’installer depuis de longs mois l’irréversibilité d’un match-retour Le Pen-Macron ? Mais peut-on vraiment croire à la sincérité de ces propos, même si Attal est un homme de gauche, venu du Parti socialiste (il ne faut jamais l’oublier), alors qu’un boulevard serait apparemment ouvert à Emmanuel Macron ? Gabriel Attal peut nous dire qu’il « rêve ». Qui ira vérifier ?
Autre hypothèse : la victoire de Marine Le Pen ne serait plus de l’ordre ni du rêve ni du cauchemar, mais de la réalité. Le sondage donnant un 52-48 % entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen n’est qu’un sondage parmi d’autres, certes. Et à plus d’un an de l’échéance, certes. Mais l’un perd deux points, l’autre en gagne deux et, comme dirait le père Hugo, l’espoir et, par voie de conséquence, le désespoir changent de camp…
Ne parlons même pas du cauchemar des cauchemars, imaginé par Caroline Fourest sur le plateau de « C à vous », vendredi dernier : « Moi, je ne sais pas si on n’aura pas un second tour Éric Zemmour-Marine Le Pen… » Tout serait donc possible, c’est le jeu de la vie !
Maintenant, avouons que cette invitation de Gabriel Attal à reconduire « à la frontière de la vie politique » Marine Le Pen ne manque pas de sel et, pour tout dire, d’indécence. D’indécence, en effet : deux jours après qu’un immigré clandestin a poignardé le directeur d’un centre d’accueil pour réfugiés, alors qu’il n’avait, apparemment, rien à faire sur notre territoire. Triste constat, d’ailleurs, qu’entre discours et réalité, il y ait un si terrible fossé. Indécent, car ce vocabulaire tend à installer Marine Le Pen mais aussi, à bien y réfléchir, tous ceux qui combattent pour l’identité française comme des ennemis de la France. Qui, alors, hystérise le débat politique dans notre pays ?