Pour les élus socialistes de Marseille, toutes les victimes ne se valent pas. Son maire, Benoît Payan, a inauguré, le 21 février 2021, une avenue à la mémoire d’Ibrahim Ali, un rappeur franco-comorien tué par un colleur d’affiches du Front national dans des circonstances troubles, il y a… 26 ans. Cet hommage aux allures de récupération politique à peine voilée répond à un vieux serpent de mer qui consiste à camoufler la barbarie islamiste actuelle en faisant resurgir les fantômes d’un passé révolu. L’amalgame est facile, la recette bien rodée.
Pourtant, la victime a déjà bénéficié d’hommages, par le passé : une marche annuelle, plusieurs plaques commémoratives dont la dernière a été posée en septembre 2018. Si l’hommage pour ce jeune homme n’a rien de choquant en soi, les mots gravés sur la plaque commémorative transpirent la récupération politique : « À la mémoire d’Ibrahim Ali, jeune Marseillais de 17 ans, [pléonasme] musicien du goupe [sic] B.Vice, [un groupe de rap] lâchement assassiné d’une balle dans le dos [c’est exact] le 21 février 1995 au nom d’une idéologie haineuse [le FN ?]. » Un hommage ne doit-il pas être digne et neutre, éviter toute surenchère sémantique ? En 2018, lors de la marche annuelle politisée en mémoire d’Ibrahim Ali, certains manifestants arboraient déjà une vieille revendication sur leur T-shirt floqué d’une plaque de rue « avenue Ibrahim-Ali », souhait relayé par toute la sphère gauchisante marseillaise.
Ce qui est de nature à heurter, dans cette démarche, n’est pas tant l’hommage politisé rendu à ce mineur franco-comorien que le refus des élus marseillais d’honorer la mémoire des victimes innocentes du terrorisme islamique.
Depuis 1995, combien d’Ibrahim Ali tués par l’extrême droite ? Combien de Français lâchement assassinés au nom de l’islam ? Dans cette stratégie du « deux poids deux mesures », la majorité marseillaise a refusé, il y a quelques semaines, de mettre au débat l’amendement proposé par Stéphane Ravier (RN) pour rendre hommage aux deux jeunes victimes de l’attentat islamique de la gare Saint-Charles en 2017. Mauranne et Laura n’auront pas droit à leur plaque sur laquelle n’apparaîtra pas la mention « lâchement assassinées au nom d’une idéologie haineuse ».
Coutumiers du fait, les élus socialistes et communistes avaient déjà refusé, en 2018, de rendre hommage à Arnaud Beltrame, mort en héros pour sauver une femme lors d’une prise d’otage commise par un islamiste à Trèbes, dans le 15e arrondissement de la cité phocéenne, avant que la ville ne décide finalement de lui céder une place en toute discrétion « pour ne pas froisser la population » ». Tout est dit. La majorité marseillaise est ouvertement soumise au diktat silencieux d’une religion dont dépend sa destinée politique, aux dépens du bon sens et de l’équité.