Vu sur BoulevardVoltaire - Imaginez une société, une entreprise, un parti, un syndicat, une association… qui reconnaîtrait – et, pire, justifierait – sur un grand média l’organisation de réunions interdites à certains en raison de leur couleur de peau. Imaginez, dans les heures suivantes, la stupéfaction incrédule sur les réseaux sociaux, le séisme dans le pays, le scandale national, la juste indignation dans le monde politique, l’auto-saisine du parquet, les gros titres dans la presse. Comment pourrait-il en être autrement ?
Pourtant, c’est exactement ce qui s’est passé, mercredi matin, et l’on attend toujours le tsunami. Calme plat. Pas même une vaguelette à l’horizon. Mélanie Luce, présidente de l’UNEF – association grassement subventionnée, omnipotente dans les universités -, a bien tenté de fuir par des chemins de traverse escarpés, des circonlocutions sentant son élément de langage préparé en atelier, mais elle a été poussée dans ses retranchements par une Sonia Mabrouk courtoise mais implacable. Oui ou non, certaines réunions sont-elles interdites aux Blancs ? Pas moyen de se dérober. Elle doit avouer, c’est vrai.
Mélanie Luce aurait pu au moins adopter la stratégie de Ponce Pilate, montrant par là une forme sinon de culpabilité, au moins de prise de conscience : la direction ne savait pas, les organisateurs ont été ou seront exclus, ce sont des éléments isolés, des initiatives individuelles… point du tout. Elle explique, un poil gênée quand même, le bien-fondé de la démarche. L’apartheid est comme le cholestérol, il y a le bon et le mauvais.
Aucun membre du gouvernement pour condamner sinon promettre une dissolution, il ne faut pas rêver, au moins en agiter la menace. Aucun ancien de l’UNEF – et Dieu sait s’ils sont nombreux, en politique, l’UNEF ayant longtemps servi de pépinière au PS, tenant encore lieu de couveuse à LFI et alimentant si nécessaire les ministères, confer Christophe Castaner – pour se désolidariser, s’attrister d’une telle dérive, brandir sa pancarte #NotInMyName. Sans doute trop occupés à discuter du bien fondé d’un rallongement du couvre-feu jusqu’à 18 h 10 et du remplacement des masques en papier par des masques en carton, comme la valise, plus efficaces contre le variant portugais… oui, on peut encore rire bêtement du pays de Vasco de Gama. Enfin, je crois.
Mieux : ceux qui daignent relever la déclaration, comme le journaliste Abel Mestre – « liké » par Clémentine Autain -, font grief à… Sonia Mabrouk de sa « véhémence », lui reprochant une « ambiance tout à fait différente » lorsqu’elle avait reçu Marine Le Pen. Peut-être parce que celle-ci ne cautionne pas les mêmes pratiques dans son parti, cela se saurait ?
Bref, si l’on résume, ce ne sont pas les propos de Mélanie Luce qui sont scandaleux, mais ceux de la journaliste qui ne sont pas gentils ! En attendant, qui ne dit mot consent. Vous pourrez expliquer à vos petits-enfants qu’un jour de confinement, a peu ou prou été entérinée l’idée que votre couleur de peau pouvait vous rendre officiellement persona grata. Mais sinon, la lutte contre le racisme a été, bien sûr, ne l’oublions pas, déclarée grande cause nationale par l’État.
Gabrielle Cluzel