Le 21 mars, le Conseil français du culte musulman (CFCM) a explosé, mais pas façon puzzle. Il faut plutôt parler d’une scission : quatre des neuf organisations qui la composaient ont décidé de sortir du giron du CFCM. Ces quatre organisations confirment ainsi leur proximité avec l’islamisme… et ruinent au passage 20 années d’efforts pour faire émerger un « islam de France ».
En janvier, Darmanin s’était vanté d’avoir réussi à faire adhérer les musulmans vivant en France à une charte censée mettre un terme aux pratiques les plus détestables, comme les persécutions des musulmans abandonnant leur religion, l’excision, les mariages forcés, le voile intégral et la séquestration des femmes, le certificat de virginité…
Cette charte avait été signée par cinq des organisations constituant le CFCM, et tout le monde avait salué cette magnifique avancée, qui solennisait l’intégration de l’islam dans la République, et la signature des quatre autres n’était plus qu’une question de jours. A la vérité, écrivait Présent du 21 janvier, le CFCM n’était déjà guère représentatif, car les neuf associations constitutives ne supervisaient (plus ou moins) que 40 % des mosquées. Les quatre associations rétives n’avaient finalement pas signé la charte et elles viennent de quitter le CFCM.
Les dissidents veulent constituer une nouvelle organisation pour revendiquer le droit de pratiquer leur culte comme ils l’entendent, selon les us et coutumes ancestraux. On pourrait appeler cela la charia, tout simplement. Ces organisations qui entendent régir l’islam en France à leur manière sont la Fédération de la grande mosquée de Paris, le Rassemblement des musulmans de France et les associations islamiques d’Afrique, des Comores et des Antilles (FFAIACA), ainsi que les Musulmans de France (ex-UOIF). Chacune de ces associations est inféodée ou soutenue, en sous-main ou officiellement, par des Etats étrangers. Cette scission illustre parfaitement la menace séparatiste que semblaient craindre Macron et Darmanin, et dont le CFCM était censé être la parade. Le CFCM est présidé actuellement par Mohammed Moussaoui, un « modéré », ou tout au moins, un homme en recherche de compromis avec les autorités politiques.
Quels appuis pour les musulmans « modérés » ?
Avec le départ de ces quatre composantes, c’est toute la stratégie gouvernementale qui s’effondre, et c’est aussi la ruine d’une vision simpliste, inspirée de la façon dont la république laïque des années 1900 avait maté l’Eglise, et au passage éradiqué une bonne partie du catholicisme français, et tout cela au prix, simplement, de la mort de « quelques Bretons arriérés » ayant trop vivement tenté de résister aux Inventaires.
Les choses risquent d’être plus compliquées avec les islamistes. Derrière les dissidents, il y a l’organisation égyptienne terroriste Les Frères musulmans, l’Algérie, l’islam marocain, ou encore l’ex-UOIF, très extrémiste, qui s’est toujours révélée incapable de désavouer clairement les pires actions terroristes. Sur qui peuvent s’appuyer les musulmans « modérés » ? Sur les organisations proches de la Turquie ? Les Français ayant des racines arméniennes ont pu constater récemment, à leurs dépens, à quel point ce courant s’était radicalisé, lui aussi.
La fin du projet d’un islam parlant d’une seule voix via le CFCM enterre en fait 20 années d’angélisme et de naïveté françaises. Les masses migratoires ont eu raison des stratégies fines.
Francis Bergeron
Article paru dans Présent daté du 2 avril 2021