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BlackRock cet ami qui ne nous veut pas que du bien

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Il se murmure que lorsque Emmanuel Macron quittera l’Élysée en 2022 ou 2027, il rejoindrait ce géant de la gestion d’actifs mondiale dirige par son ami Larry Fink. Un groupe américain qui murmure à des puissants et dont les encours ont atteint un nouveau record à 8680 milliards l'an passé (contre 7430 fin 2019).

BlackRock n’est ni un fonds de pension ni un fonds spéculatif. Il s’agit d'une société cotée, employant 6 000 salaries dans 38 pays, dont le métier consiste à collecter de l’argent auprès des fonds de pension, banques ou assureurs pour l’investir sur les marchés financiers. Le groupe a été fondé en 1988 sous l’impulsion d’anciens de chez Lenman Brothers et de chez First Boston. Parmi ses actionnaires, citons la famille Rothschild, Elisabeth II, Al Gore, Warren buffet, Georges Soros. Son attractivité repose sur deux innovations majeures :

- La pratique des ETF (Exchange Traded Fund), c’est-a-dire des fonds négociés en bourse. Traditionnellement, les financiers spéculent sur les actions, lesquelles sont soumises à d’importantes fluctuations peu prévisibles.

Les ETF sont des ensembles d’entreprises différentes, des « segments de la bourse ». Le résultat, c’est que la valeur des ETF ne dépend plus de la valeur des entreprises mais de la valeur de l'indice boursier de l'ensemble du segment. Par cette alchimie financière, BlackRock depuis dix ans traite plus d’argent que toutes les plus grandes banques du monde et gère les trois-quarts des fonds de pensions américains.

- Un big data qui dépasse largement la capacité d'analyse des gouvernements, des places boursières, des entreprises.

Plus de 6000 serveurs de calculs haute performance recensent et analysent les empreintes numériques que nous laissons par le e-commerce, les cartes bancaires, les réseaux sociaux. L’outil supervise 18 milliards de dollars chaque jour. Cette plateforme de gestion de risques prénommée Aladdin peut déterminer avant tout le monde quelles sociétés vont bien ou mal, quels sont les projets politiques, où éclatera la prochaine crise. Cet outil permet à BlackRock de s’immiscer dans les politiques nationales de la plupart des pays. On les a vu éplucher les comptes de toutes les banques grecques à la demande de la BCE, acheter des obligations d’État grec puis quand la Troïka (BCE-FMI-Commission de Bruxelles) a imposé des privatisations massives des bâtiments publics, BlackRock a été la première société à investir massivement, avec l'aide du responsable grec de ces privatisations, Paskalis Bouroulis, lequel est devenu le responsable du groupe en Grèce.

Ingérences et influences

Au Mexique, le groupe a investi des milliards de dollars dans le secteur énergétique. Après la victoire du candidat de gauche Lopez Obrero dont le programme promettait de nombreuses nationalisations, Larry Fink rencontre rapidement le nouvel élu. De leur tête à tête, il ressort que les nationalisations sont abandonnées sans délai et les fonds de pension mexicains sont offerts sur un plateau à BlackRock ! Aucun politique mexicain, de droite ou de gauche ne peut se passer d’un tel investisseur en 2008, en pleine crise, le seul que le gouvernement Obama ait trouvé pour analyser la situation de la banque Lehman Brother, c'est Larry Fink, lequel a empoché quelques milliards pour mettre Aladin au service de l’État.

Comment lutter contre un tel pouvoir financier quand ce groupe brasse presque autant d’argent que l’État américain (le groupe travaille main dans la main avec la FED), participe aux Conseils d’administration de 17 000 entreprises dans le monde (les GAFAM, les banques JP Morgan et Wells Fargo, Pfizer Exxon Mobil, Walmart...), bref possède un pouvoir de chantage que les gouvernants ne peuvent négliger ? Au point qu’on peut se demander à quoi cela sert-il de voter puisqu’a peine élu, le nouveau Président supposé «déviant» serait convoqué par Larry Fink et contraint, comme Tsipras ou Obrador de mettre beaucoup d’eau dans son vin. L’argent conférant un immense pouvoir à celui qui le contrôle, ce dernier fera toujours des lois sur mesure lui permettant de multiplier ses gains en spoliant les masses productrices. Comme le rappelait Michel Sapin, ancien ministre des finances de 2014 à 2017, « le discours de Larry Fink sur l'attractivité d’un pays pèse lourd. Il peut dicter aux grands patrons la bonne marche à suivre d‘un point de vue stratégique et pour attirer les capitaux étrangers. Il formate l’opinion de ce petit monde assez manichéen des décideurs économiques. »

BlackRock en France

Macron n’échappe pas à cette influence puisque les privatisations qu’il a entreprises ont tout simplement été confiées à Jean-Francois Sirelli, PDG de BlackRock France, lequel prône sans cesse la fin du système de retraite par répartition pour une retraite gérée par les fonds spéculatifs... direction que souhaite nous imposer aussi l’UE auprès de laquelle le groupe a dépensé 1,8 million de frais de lobbying en 2018. Pour marquer l’attractivité économique de la France, Macron n‘a pas lésiné sur les conseils du groupe baisse : de la fiscalité du capital, réformes du marché du travail, de l’assurance chômage, de la santé, relayer l’appel de Fink quant à la lutte contre les discriminations raciales dans les entreprises. Il est vrai aussi que le groupe possède 32 milliards de la dette française et pour 100 milliards de dollars d’actions françaises, essentiellement au sein d’entreprises du CAC 40 (Air Liquide, Bouygues, Unibail, Rodamco, Publicis, Legrand, Thales, Axa, Safran, Engie, l’Oréal) dont il est détenteur à environ 5%.

La Crise du coronavirus n’a fait que renforcer la mainmise des gestionnaires d’actifs qui ont récolté l’épargne de leurs clients fébriles face à la conjoncture.

Désormais, banques centrales et États marchent main dans la main pour éliminer le risque de sinistralité qui serait couteux pour la finance. Et les fonds de gestion comme BlackRock ont plus que jamais la main sur les choix d’investissement, autrement dit sur la construction du monde de demain. In fine, C’est le contribuable des générations futures qui paiera pour l’immunité de la finance aujourd’hui. Ou comment ceux qui gèrent l’argent des autres sont devenus plus puissants que ceux qui le possèdent.

Eugène Krampon Réfléchir&Agir N°69 printemps 2021

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