Comment conserver le soutien des Républicains, tout en pactisant avec les Marcheurs ? Renaud Muselier croit avoir trouvé la solution. Il vient de déposer sa liste en préfecture, confirmant, au micro de France Bleu Azur, que des membres de la République en marche y figurent bien, mais aucun ministre, ni parlementaire. Il espère ainsi amadouer son camp et dissuader Sophie Cluzel, la secrétaire d’État chargée des Personnes handicapées, de déposer sa propre liste. Ce compromis, qui sent la compromission, ne rend pas service à son camp, mais place chacun au pied du mur et dans l’obligation de révéler, tôt ou tard, ses véritables intentions.
Le Figaro rapporte les premières réactions de personnalités LR. Christian Jacob, pareil à Nounours qui vient dire bonsoir à Nicolas et Pimprenelle, joue l’apaisement. Il assure Renaud Muselier de son soutien : « Jamais je n’appellerai à voter pour une autre liste. Je ne vais pas appeler à voter pour le RN, pour la gauche ou l’extrême gauche ! » Que pouvait-on attendre d’autre d’un homme qui n’a guère marqué de son empreinte sa présidence à la tête du parti ? Après la démission de Laurent Wauquiez, il s’était présenté comme un candidat de consensus et avait été choisi pour maintenir un semblant d’unité.
Le bouillant député des Alpes-Maritimes, Éric Ciotti, a déjà annoncé qu’il ne voterait pas pour la liste menée par Renaud Muselier. Il ne votera pas non plus pour Thierry Mariani : « Je m’abstiendrai comme je l’ai fait à l’élection présidentielle », assure-t-il le 12 mai. Pourtant, à l’entendre, il partage le même constat que son ancien compagnon de parti sur la situation de la France, l’immigration et l’insécurité. Il voudrait montrer qu’il est plus fort en gueule qu’en actes qu’il ne s’y prendrait pas autrement.
Bruno Retailleau, président du groupe LR au Sénat et candidat à la candidature pour l’élection présidentielle, évite d’évoquer le Rassemblement national. Il préfère logiquement demander à son parti de retirer son soutien à Renaud Muselier. « On ne peut sans cesse ruser avec nos électeurs et composer avec nos convictions », déclare-t-il. Il ajoute, non sans raison, que « la droite doit avoir la force de ses convictions » et que « si elle est faible, elle disparaîtra ». On peut estimer, quand il tient ces propos, qu’il est plus sage ou qu’il maîtrise mieux son langage qu’Éric Ciotti.
Ne parlons pas de Christian Estrosi, le Ganelon de la Côte d’Azur, ni de Hubert Falco, qui se fit élire, naguère, avec les voix du Front national. Prétextant des fausses hésitations de Renaud Muselier à s’allier aux Marcheurs, ils ont carrément démissionné du parti LR. Ils ont tombé leur masque qui, il est vrai, cachait mal qu’ils travaillaient pour une droite Macron-compatible. Sans compter qu’ils ne mettent pas de côté leurs ambitions personnelles et que des promesses de portefeuille auraient favorisé leur conversion.
Dans ces conditions, faut-il s’étonner que les sondages soient favorables à la liste de Thierry Mariani ? Selon une enquête publiée le 11 mai, la liste du Rassemblement national arriverait, dans toutes les hypothèses, en tête au premier et au second tour. Renaud Muselier semble avoir oublié que les électeurs de droite n’apprécient pas unanimement les manœuvres des cadres de leur parti et qu’en démocratie ils ont aussi leur mot à dire. Plutôt que de continuer à ostraciser le Rassemblement national ou à le mépriser, Les Républicains ne feraient-ils pas mieux de composer avec lui ? Ils seront bientôt au pied du mur et devront choisir leur camp. On peut prévoir que leur unité volera alors en éclats.
Philippe Kerlouan