C’est la saison des résultats du bac, du brevet, mais aussi, bien plus attendus par l’institution en crise qu’est l’Éducation nationale, ceux des concours de recrutement des enseignants : CRPE (pour les professeurs des écoles), CAPES et agrégation (pour les professeurs du secondaire). Déjà, lors des résultats d’admissibilité de l’écrit, les chiffres étaient alarmants et l’on savait que les besoins de la rentrée ne seraient pas couverts, notamment dans des disciplines essentielles comme les lettres (classiques et modernes) et les mathématiques. Les raisons de cette pénurie de candidats sont bien connues : dévalorisation morale et pécuniaire du métier, réforme du CAPES, réformes pédagogiques du collège hier, du lycée aujourd’hui dont le symbole est ce grand oral, qui n’a de grand que le nom - et le coefficient.
Les résultats définitifs des admissions sont tombés depuis une semaine et confirment le naufrage : les recrutements ne couvrent que 83 % des besoins (contre 94 % l’an dernier), il manque 4.000 enseignants pour la rentrée.
Certes, le ministre de l'Éducation, Pap Ndiaye, a répété ce 7 juillet sur France Inter qu’« il y aura un professeur devant chaque classe, dans toutes les écoles de France. Nous faisons tout ce qu'il faut pour. » Sa baguette magique ? « Nous aurons recours à des contractuels. »
Mais la réalité est tout autre et les job dating organisés par les académies de Toulouse et Versailles risquent de ne pas suffire à attirer assez de contractuels. Des remontées du terrain indiquent que même dans une discipline qui n’est pas « en tension », comme l’EPS, plus d’une dizaine de postes d’un département rural ne seraient pas pourvus.
Jean-Rémi Girard, du SNALC, cité par Le Figaro, est sceptique : « Un prof devant chaque classe ? C'est loin d'être sûr. Ce sera peut-être le cas en septembre, mais ensuite ? Il y a des contractuels qui démissionnent et des arrêts-maladie », ce qui créera « des problèmes de remplacement, de plusieurs mois parfois, qui risquent de se multiplier ».
Mais le bilan des concours révèle une dimension peu relayée de cette crise de recrutement sans précédent : le carcan idéologique qui s’est abattu sur les candidats lors de l’épreuve orale professionnelle, nouveauté de la session 2022, n’est pas pour rien dans le naufrage actuel.
Le Figaro a recueilli des témoignages, tous plus affligeants les uns que les autres sur les sujets de cet oral qui a dérouté les candidats, quand il ne leur a pas coûté le concours.
Sujets piégés et gorgés d’idéologie en tous genres : « Lors d'un cours sur la liberté d'expression, un élève, apparemment sincère, vous demande pourquoi les caricatures de Charlie Hebdo sont autorisées alors que Dieudonné est condamné. » Ou encore : « En classe de moyenne section, vous remarquez que les garçons jouent à la voiture et les filles s'orientent vers le coin dînette. Comment résolvez-vous ce problème ? »
Certes, l’Éducation nationale a toujours été gangrenée par l’idéologie, mais peut-elle, vu son manque d’attractivité, se permettre de continuer à organiser son naufrage ?
Le « choc d’attractivité » annoncé par le nouveau ministre, ce 7 juillet, doit aussi s’attaquer aux ayatollahs de cette épreuve professionnelle, devenue un repoussoir dès sa première édition. Un comble.