Assa Traoré, « reine » antiraciste
Après deux ans de silence, Désarmons-les décide de révéler au grand jour leur « désaccord profond avec l’approche et les méthodes du Comité Adama ». Intimidation, injure publique, agressions… dans ce document d’une trentaine de pages, ces militants anonymes dressent la liste de leurs « interactions tendues » avec Assa Traoré et sa garde rapprochée. Ils dénoncent notamment les violences contre leurs militants exercées par Samir Elyes – ancien militant du Mouvement de l’immigration de la banlieue (MIB) et membre imminent du Comité Adama. Ils accusent aussi Youcef Brakni, militant indigéniste devenu le bras droit d’Assa Traoré, d’intimider les militants qui oseraient porter une voix dissonante.
Mais leur principal grief est dirigé contre Assa Traoré elle-même, demi-sœur d’Adama mort lors d’une interpellation en juillet 2016. « La presse et les médias se sont empressés de faire d’Assa Traoré une icône et l’initiatrice d’un mouvement pourtant bien plus ancien qu’elle », écrivent les militants de Désarmons-les. Ils reprochent à la jeune femme de générer un juteux business sur le dos des victimes. Partenariat avec Jean-Paul Gaultier, égérie Louboutin, Une de magazines, sacs à son effigie, marque déposée… Pour les auteurs de ce texte, le Comité Adama cultive « un culte de la personne autour d’Assa Traoré faisant d’elle une icône, une reine, invisibilisant du même fait toutes les victimes et militants sincères ». Le Comité Adama refuserait donc toute concurrence victimaire.
Des militants antiracistes excédés
Si le comité « La Vérité pour Adama » n’a pas réagi à ces accusations et n’a pas donné suite à nos sollicitations, de nombreux militants de la cause antiraciste n’ont pas manqué de saluer cette publication. « Je partage cette mise au point du collectif ‘Désarmons-les’. Nous sommes un certain nombre à avoir été témoins […] des coups de pressions du comité », écrit Yessa Belkhodja, activiste engagée contre « les violences policières » sur son compte Facebook. De son côté, Imani M., militante également de la même mouvance, dénonce « les dingueries » et « sales manœuvres » du clan Traoré. Entre ces champions de la vertu diversitaire, c'est l'amour fou !
Ce n’est pas la première fois que de telles critiques sont émises à l’encontre du Comité Adama. Déjà en 2019, Ahmad N., membre de la Brigade anti-négrophobie, dans un long texte sur son compte Facebook, mettait en cause Assa Traoré. « Elle n’a pas à chercher à capitaliser sur le drame que sa famille a vécu pour personnaliser un combat en tirant la couverture à elle-seule », s’agaçait le militant. Au même moment, d’autres militants accusaient des membres du clan Traoré de menaces de mort. Un an plus tard, à l’été 2020, dans une tribune publiée sur le site de gauche radicale Contretemps, Houria Bouteldja, porte-parole du Parti des Indigènes de la République et ancien soutien du Comité, écrivait : « Le Comité [Adama] a commis une grave erreur. […] Alors que les mots d’ordres historiques des collectifs de familles de victimes étaient de défendre l’exigence de justice pour tous, le Comité Adama a personnifié l’ensemble du combat derrière lui ». Une tribune qui n’avait pas manqué de susciter la colère du clan Traoré. Quelques mois plus tard, c'était au tour de Jessica L., compagne d’Amadou Koumé, décédé en 2015 lors d’une interpellation, et membre du collectif « Urgence notre police assassine » de prendre la parole contre le clan Traoré et son perpétuel business : « Quand le Comité Adama fait un post à titre commercial et non de soutien, ça se ressent ». Et d’ajouter : « Partager pour faire de la publicité, c’est une blague? »
Si les critiques venues de leur propre camp n’ébranlent pas le Comité Adama, les résultats de la onzième expertise toujours en cours devraient mettre (enfin) un terme à la mascarade Traoré.
Clémence de Longraye