Le billet de Patrick Parment
Si gouverner c’est prévoir, alors Emmanuel Macron marche à côté de ses pompes. Gouverner, sous la Ve République, c’est disposer d’un pouvoir quasi monarchique. A la cuisine interne, s’ajoute la cuisine externe qui veut que l’on prenne en cause la bonne entente avec son voisinage. En matière de cuisine interne, Macron règne sur une France fracturée et repliée sur l’individualisme outrancier des uns et des autres. De sorte qu’on ne peut pas plus parler d’unité nationale que de destin commun. On l’a souvent écrit ici, trois France cohabitent et ce n’est pas l’entente cordiale. D’autant que la France n’a aucune culture du compromis mais plutôt de l’affrontement.
Il y a une France majoritaire que l’on pourrait qualifiée de « gilet jaune », cette France des classes moyennes sur laquelle tapent depuis des lustres nos gouvernants. Il y a une France « bourgeoise » qui s’accommode fort bien des bienfaits de la mondialisation et dans cette France-là règne la bien-pensance et la soumission aux fantomatiques droits de l’homme dans laquelle baigne également toute cette gauche plus ou moins intellos. C’est ce bourbier qui donne le « la » dans les médias. Maurras résumait cela d’un trait : France légale contre France réelle. C’est la raison aussi pour laquelle, la gauche ne risque pas de revenir au pouvoir. Il y a enfin la France des immigrés. Tous ne sont à mettre dans le même sac évidemment, mais la mouvance islamique s’en prend à nos institutions pour la bonne raison que le terme de laïcité n’a aucun sens pour eux. L’autre dommage collatéral de cette immigration, c’est sa présence à tous les échelons d’une délinquance au quotidien qui ne cesse de progresser.
Emmanuel Macron appartient incontestablement à la deuxième catégorie, cette France bourgeoise déconnectée des réalités du pays profond. Dans un Etat dont les fonctions régaliennes partent en sucette, on ne peut que constater l’impuissance ou plutôt l’aveuglement d’un président qui semble vivre dans un monde de Bisounours. Ne possédant aucune culture historique, Macron ne sait pas lire une simple carte de géographie, pas plus qu’il n’a saisi les rapports de force qui s’agitent à l’intérieur de ce bazar qu’on nomme l’Union européenne et dont les Allemands tiennent le haut du pavé. Sans parler du fait que cette UE a largement fait allégeance à son puissant « protecteur » américains. Pour ce pauvre Macron, voici beaucoup trop de paramètres à gérer et c’est d’autant plus difficile, que faute d’une réelle culture politique et historique, il n’a aucune vision du monde et encore moins l’idée de ce que doit être la France dans le concert géopolitique des nations. Les derniers présidents à avoir eu cette vision, ce sont Charles de Gaulle et Georges Pompidou. François Mitterrand avait une vision étriquée de la France pour la bonne raison que seule l’intéressait cette passion du pouvoir et de son exercice. Un seul exemple de sa cécité suffira : il n’a rien vu venir avec l’arrivée de Gorbatchev au pouvoir et des conséquences que cela aurait dans le concert européen et notamment en Allemagne. Le pauvre bougre était contre la réunification allemande.
Emmanuel Macron – mais il n’est pas le seul – n’a pas anticipé les conséquences qu’aurait l’entrée des troupes russes en Ukraine. L’Union européenne s’est lancée dans un soutien inconditionnel à ce pays sur ordre des Américains qui gangrènent le pouvoir ukrainien et dont le régime corrompu de Volodymyr Zelensky n’est qu’une marionnette entre leurs mains. On en sait aujourd’hui beaucoup sur la réalité du pouvoir en Ukraine depuis des décennies. Et il ne fallait pas être grand clerc pour savoir que la Russie de Poutine revendiquerait l’appartenance de l’Ukraine à la reconstitution de l’empire russe. Et, qu’au pire, elle en exigerait la neutralité et certainement un problématique rattachement à l’UE et encore moins à l’Otan. Pas plus que Poutine ne supporte les missiles américains installés en Europe, pas plus que Kennedy n’a toléré des missiles russes à Cuba. La veulerie des différents dirigeants européens est consternante. Mais l’Amérique fait tout pour que l’Europe ne devienne pas une puissance susceptible de concurrencer la leur. Avec l’aide des Anglais, soit dit en passant. God save the King !
Ce que n’a pas anticipé non plus Macron, c’est que cette guerre et ce soutien aux Ukrainiens de la part de l’UE allaient entraîner des conséquences économiques graves tant notre dépendance en matière de gaz et de pétrole – mais pas que -, est étroite. Mais surtout un gaz et un pétrole bon marché ! L’autre aveuglement de Macron, faute de culture historique, c’est bel et bien de n’avoir pas compris que derrière ce conflit, se cachent des visions du monde radicalement différente. La Russie de Poutine refuse la vision unilatérale d’un monde essentiellement gouvernée par l’économie et sous la houlette du dollar. Entraînant avec lui les autres puissances continentales que sont la Chine et l’Inde. Macron n’a pas anticipé qu’à travers l’Ukraine, les Etats-Unis continuait la guerre froide contre l’URSS d’hier et la Russie d’aujourd’hui parce qu’elle refuse justement de se plier à l’ordre du monde américain. Or, cette guerre redistribue les cartes et l’on assiste à un conflit qui oppose la puissance maritime américaine aux puissances continentales. Lire une carte, c’est bel et bien s’apercevoir que l’Europe appartient à l’orbite des puissances continentales. Sauf que l’Europe refuse de s’ériger en puissance car il n’y a aucune volonté politique d’y parvenir et surtout personne pour l’incarner.
Comme on ne peut que le constater, Emmanuel Macron est largement dépassé tant en politique intérieur qu’extérieur. Il essaie tout au plus de gérer les affaires courantes. Hier encore, sous Hollande, il avait participé du démantèlement de notre parc nucléaire et affirme aujourd’hui tout faire pour le remettre en selle ! Ses ministres n’ont pas plus de cuture historique que lui et naviguent à vue. Certains sont de bons techniciens, d’autres des policards aux petits pieds. Les Français ont tout expérimentés de droite comme de gauche et se rendent bien compte que ce sont les mêmes zozos qui les baladent depuis des décennies, qui refusent les réformes nécessaires par peur de perdre les maigres avantages liés à leurs fonctions. Médiocre. On a une classe politique de médiocres et d’incultes. Alors pourquoi pas l’extrême-droite comme ils disent. Sauf que Marine Le Pen est aussi une version de ce marigot. Ce qui n’était pas le cas de son père. Comme l’écrivait Henry de Montherlant, « il regarde à droite, il regarde à gauche. Il n’y a personne. C’est le drame d’un peuple à un moment donné ». Restons néanmoins optimistes, car comme le disait Marcel Gauchet, « on n’ a pas une histoire millénaire pour finir dans un terrain vague ».