Heureusement, l’État est là. Qui dépense donc à tout va ; ce qui provoque l’inflation qu’on sait. Une fois encore, nos voisins européens sont encore plus mal lotis, paraît-il. Un discours vite noyé par une pluie de pourcentages et de statistiques auxquels le téléspectateur de base ne doit pas entraver grand-chose. D’ailleurs, même l’auteur de ces lignes est à la peine…
Bref, pour résumer, ce Président qu’on tenait pour libéral se révèle ce soir encore plus dirigiste que jamais. Il est vrai que l’heure est grave. Mais pourquoi une telle usine à gaz ? Surtout quand on apprend que pour se maintenir à flot, l’État français devra au moins emprunter, l’année prochaine, plusieurs centaines de milliards d’euros sur les marchés financiers alors que les taux d’emprunt ne sont plus négatifs depuis longtemps. Mais « tout en maîtrisant la dépense publique » et en « remboursant notre dette », affirme Emmanuel Macron. La quadrature du cercle, en quelque sorte : à cœur vaillant, rien d’impossible.
Après avoir visionné un reportage consacré à un couple de Français vivant avec un enfant et gagnant 4.000 euros mensuels (exemple pas véritablement emblématique, car ni trop riche ni trop pauvre), le Président se lance à nouveau dans une autre sarabande de chiffres tout en y mêlant dividendes d’actionnaires et gros bénéfices des industries pétrolières. À croire qu’il est en train de passer son diplôme d’expert-comptable. Que déduire de son discours ? Rien, concluront ceux qui ne se sont pas encore endormis.
Ce, d’autant plus que monsieur Trogneux affiche une grise mine, loin de la « dimension christique du pouvoir » qu’il évoquait durant la campagne présidentielle de 2017. À en croire Franz-Olivier Giesbert, dans son dernier éditorial du Point, évoquant « la dépression du Président », Emmanuel Macron serait même « dans le déni », « comme le jongleur qui a perdu ses boules et continue à faire le geste de les lancer en l’air ». Pas faux. Où est passée la rage de naguère ? Il est vrai que depuis, l’homme aura découvert que la France multimillénaire était un peu plus qu’une « start-up nation » et que l’Histoire, par nature, était tragique. Pourtant, les antidépresseurs doivent faire des miracles, Emmanuel redevenant peu à peu Macron lorsque parvenant enfin à s’enivrer de ses propres paroles.
La réforme des retraites ? Hormis le fait qu’il recycle volontiers le plus que vulgaire slogan de Nicolas Sarkozy, « travailler plus gagner plus », nous apprenons qu’il faudra travailler plus longtemps pour éviter de gagner moins plus tard. Et qu’en « concertation avec les partenaires sociaux », il faudra prendre en compte la pénibilité de certains métiers et éviter que les salariés se trouvent virés dès la cinquantaine passée, histoire d’être plus longtemps au chômage avant de faire valoir leurs droits à la retraite. Voilà qui n’a pas tout à fait la saveur de l’inédit.
Sans surprise, les groupes parlementaires ayant proposé une motion de censure contre son gouvernement sont renvoyés au rang des irresponsables. Ne manque plus qu’à stigmatiser ces fameux « extrêmes qui se rejoignent » ; mais nous n’en sommes pas loin. Surtout qu’une autre urgence s’invite dans ce vrai-faux débat, celle donnée pour être « climatique ». Mais qui se révèle tôt être « sino-sceptique », sachant que la majeure partie des voitures électriques et des batteries leur permettant de rouler nous viennent aujourd’hui de Chine. D’où une timide esquisse de « protectionnisme européen » à base de ce lithium dont nos sous-sols regorgeraient. Fort bien, mais seule question : d’où viendra l’électricité ? De cette industrie nucléaire que ses prédécesseurs ont sciemment massacrée pendant des décennies, on imagine, sans que réponse soit véritablement donnée à cette question.
Puis, le gros morceau, l’immigration… « 5,6 % de reconduites à la frontière appliquées, c’est peu », lui glisse son intervieweuse. Mais Emmanuel Macron voit haut : il veut « 100 % ». Mais à condition de poursuivre l’aide au développement des pays concernés. On disait déjà la même chose du temps de Valéry Giscard d’Estaing. Mais pas question, pour autant, de faire « le lien entre immigration et délinquance », prévient le premier des Français, même si c’est un peu vrai à Paris et dans les grandes villes, mais moins ailleurs bien au contraire, toutes choses étant égales par ailleurs.
En revanche, ce dernier admet que la société française « devient de plus en plus violente ». Au contraire de cette émission hypnotique et placée sous le signe de l’autosuggestion, soit dit en passant.
Nicolas Gauthier