Il est évidemment trop tôt, à l'heure où ces lignes sont écrites, pour évaluer le résultat du bras de fer entre la prétendue "réforme", voulue par nos technocrates, et le blocage programmé par une partie des bureaucraties syndicales. En cette fin de journée on retient que certaines manifestations ont sans doute semblé fort réussies : sur la Canebière de Marseille par exemple. Mais les objectifs symboliquement énumérés par le PCF, la FSU et la CGT n'ont pas été atteints. On n'a pas vraiment compté 1 million de manifestants, ni 70 % d'enseignants grévistes, mais quelque 40 %, de même à la SNCF où, certes beaucoup de trains étaient annulés mais où le personnel en grève ne dépassait pas 46 %.
Chacun des camps reste donc, pour le moment, sur ses positions, sur ses certitudes, sur ses chiffrages... À Marseille par exemple l’intersyndicale revendique 145 000 personnes, alors que la préfecture de police en a dénombré 26 000. À Paris la CGT affirme avoir vu 400 000 personnes, le gouvernement ne répond même pas. A 18 h 39, Le Monde et le cabinet Occurrence, financé par un collectif représentant 80 médias, ne donnaient toujours pas d'évaluation pour la capitale où la préfecture compte entre 78 000 piétons nombre arrondi par le préfet Nuñez à 80 000. Et, à 18 h55 le journal reprenait la chanson mensongère du camarade Martinez : "Plus de 2 millions de manifestants en France"... là où probablement, sur 200 rassemblements annoncés, 800 ou 900 000 sont venus. [Le nombre officiel, soit 1,12 million a finalement été retenu sans doute dans une perspective de négociation avec la CFDT].
En regard, diplomatie franco-espagnole exige, le chef de l'État s'était déplacé à Barcelone flanqué de 11 ministres. Il y a fièrement réitéré la rodomontade de Juppé se disant "droit dans ses bottes" en 1995. Rappelons ici que celui que Chirac considérait comme le "meilleur d'entre nous"finit par capituler. Emmanuel Macron déclare quant à lui qu'il poursuivra sa réforme "avec respect, esprit de dialogue, mais détermination et esprit de responsabilité"car selon lui, la réforme des retraites a été "démocratiquement présentée, validée"et elle est "surtout juste et responsable". On nous annonce un texte pour le 23 janvier.
À 18 h51, sur RTL notre délicat ministre du Travail, Olivier Dussopt, susurrait que "la retraite est un sujet particulier (…) qui renvoie à une certaine forme d’intimité. C’est très particulier, très sensible et c’est normal que ça suscite des inquiétudes auxquelles il faut répondre et puis il faut aussi écouter les messages dans les cortèges".
Cette comédie symétrique risque fort de se prolonger.
Je retiens ici l'image de trois jeunes manifestantes présentées complaisamment dans le "Live" du Monde à 17h32. L'une par exemple proteste contre "l’état actuel de l’hôpital et ce que les soignants vivent". La jeune fille avait cours souligne le journal mais a décidé de quand même venir manifester. Pas grand-chose à voir, par conséquent, avec le dossier. Bien plus, parmi ces demoiselles "Lucille Karlinsky, 24 ans, en master en intelligence et innovation culturelle (?), était déjà dans la rue fin 2019 pour protester contre la première réforme des retraites. Elle espère que la grève va se poursuivre. Moi je vais continuer en tout cas", affirme-t-elle. La dernière est venue "par solidarité". Or, elle dit la vérité du problème : "Je suis sûre, ironise-t-elle,qu’on sera déjà sous un autre régime de retraite le jour où je serai en âge de l’être.
Depuis le confinement imposé en 2020, il fallait bien que le mécontentement diffus, mais bien réel, des Français s'exprime d'une manière ou d'une autre. Pas sûr que la défense de la retraite par répartition soit le bon sujet.
Il est en réalité certain que le nouveau replâtrage présenté ne durera pas et que dans 3 ou 4 ans, le successeur de Macron devra reprendre la voie d'une autre crise et d'un autre projet.
Depuis bientôt 30 ans, l'auteur de ces lignes a pu observer toutes les réformes successives de notre système monopoliste de "sécurité sociale". La seule piste responsable avait été tracée par les lois du gouvernement Balladur en 1993, séparant les caisses et imposant que, dans le cadre de leur gestion paritaire, associant les représentants syndicaux élus par les assurés sociaux cotisants, elles équilibrent leurs comptes. Ni cette obligation, et encore moins l'impératif de libre choix, qui semblait promis par les Directives européennes de 1992, n'ont été respectés. Après l'élection de Chirac, en 1995, dès la présentation au parlement du premier rapport de la cour des Comptes la crise s'est ouverte et l'irresponsabilité s'est réaffirmée, au nom du "modèle social".
Or, il devrait être clair que seule la liberté des individus et des familles pourra corriger la faillite inéluctable, lancinante, du système monopoliste que l'on appelle "répartition". Il faudra bien un jour ou l'autre la solder, pour le passé. Le plus tôt sera le moins coûteux. Ce modèle de Ponzi ne peut durer que par la contrainte. Il a été imposé à la France depuis 1941 dans les circonstances sociales et nationales dramatiques de l'époque, que l'on a consciencieusement oubliées depuis, et il ne fut confirmé à la Libération que par les ordonnances d'un gouvernement provisoire. Jamais le peuple réel n'a vraiment débattu de ce choix, ni a été informé de ses enjeux, encore moins voté. Certes notre république se gargarise encore d'une idéologie qui se prétend faussement "égalitaire", contre toute réalité, mais elle semble toujours sourde à l'appel de la Liberté.
JG Malliarakis
https://www.insolent.fr/2023/01/pas-de-solution-sans-liberte.html