Le verdict dans le procès des responsables de la mort d’Axelle Dorier est tombé vendredi dernier.
Le qualificatif de meurtre n’ayant pas été retenu contre Youcef Tebbal, le chauffeur de la voiture qui avait écrasé et traîné sur plus de 800 mètres la jeune esthéticienne de 22 ans, il était donc accusé de violences volontaires avec arme (la voiture) ayant entraîné la mort sans intention de la donner et délit de fuite.
Son cousin Mohamed-Amine Yelloule était poursuivi pour non-assistance à personne en danger. Youcef Tebbal a écopé de 12 ans de prison, son cousin de 5 ans de prison, dont deux ferme. À l’annonce du verdict, rapporte le journaliste du Figaro Guillaume Poingt, présent sur les lieux, une femme proche des condamnés s’effondre, crie, refuse d’évacuer la salle, tout à côté de la famille d’Axelle Dorier qui vient de prendre ce verdict d’une rare clémence comme un coup de poing en pleine figure.
L’avocat de la famille Dorier, Me Gabriel Versini-Bullara, raconte la suite lundi dans « L’Heure des pros » : « À ce moment-là, Théo (Dorier) a été pris d’une crise de convulsions, […] je l’ai rasséréné […] Au moment où il se lève, je l’enserre, je le tenaille, aidé en cela par le père et par mon assistant et nous le traînons vers la sortie de la cour d’assises, nous chutons, lui, moi, son père au sol et nous nous redressons et nous allons dans le couloir qui permet d’accéder au greffe de la cour d’assises. Quant à moi, je le dis avec fermeté, je n’ai absolument pas vu Théo faire un quelconque salut nazi. […] À ce titre, je voudrais dire que si Théo avait voulu faire ce salut mussolinien ou hitlérien, ce geste déplacé et immonde, il est imparable que nombre de journalistes présents dans la salle d’audience auraient vu ce geste-là […] Il est à noter que certains journalistes ont cru devoir faire les choux gras d’une gestuelle dont ils ne maitrisaient pas la certitude. »
À quoi fait-il allusion ? À la dernière polémique montée en épingle par un journaliste de BFM et un autre de France 3 qui ont dit sans vergogne que le jeune frère d’Axelle avait fait un salut nazi à la sortie de l’audience (ce que réfute le journaliste du Figaro), entraînant d’ailleurs l’ouverture d’une enquête à l’encontre du jeune homme endeuillé.
Tout est affaire de focus médiatique : il semble s’agir d’une manipulation grossière pour détourner l’attention du public sur un verdict qui ne laisse pas d’interroger sur le laxisme judiciaire.
Se pose alors l’éternelle question : ce laxisme, qui génère un fort sentiment d’impunité chez les délinquants, comme une sorte d’incitation à la récidive, est-il dû aux magistrats ou aux lois que ces derniers appliquent ? Haro sur la justice, mais quid du Parlement qui vote les lois des gouvernements ? La réaction de Me Versini à l’énoncé du verdict, tout comme ses déclarations tout au long du procès rapportées par Le Figaro, sont éclairantes : « Le décès d'Axelle s'inscrit dans un continuum de délitement sociétal. […] Cessons dans ces enceintes de justice d'être les idiots utiles de la bien-pensance. Cette société est devenue barbare. C'est ça, le vivre ensemble dont tout le monde a la bouche remplie ? », fustigeant « l'insupportable culture du déni et de l'excuse, qui participe à l’ensauvagement de la France. […] Depuis le départ, Messieurs Tebbal et Yelloule s'obstinent à minorer les faits. » Il a également rappelé les « sept demandes de remise en liberté en deux ans et demi », signant une « insupportable culture de la minoration infractionnelle ».
Théo Dorier, fracassé depuis le décès de sa sœur, compte néanmoins porter plainte pour diffamation afin de ne pas laisser quelques médias salir son nom et celui d'Axelle, ajoutant ainsi la honte à la barbarie. Sans doute la famille Dorier n’avait-elle pas assez souffert : après le meurtre de leur fille et sœur, après un verdict ahurissant, vient donc l’accusation du salut nazi, la triple peine est ici pour les victimes… Et Me Versini de rappeler que depuis ce salut nazi faussement attribué par deux journalistes au jeune homme, celui-ci « fait l’objet de menaces de mort, de représailles sur les réseaux sociaux. La famille Dorier ne remercie pas certains journalistes qui se sont autorisés à écrire ce qu’ils n’ont pas vu. »
Toujours dans L’Heure des pros, Me David Metaxas, l’avocat de Youcef Tellab, explique que son client ne fera pas appel du verdict. On le comprend ! « C‘est un verdict équilibré, dit-il, qui me paraît être accepté de tous, laissons la famille Dorier à son deuil, laissons la famille Tebbal à sa reconstruction, il a un parcours carcéral à faire, il le fera comme il doit le faire. » Et maître Metaxas d’annoncer que la peine de 12 ans de prison est « aménageable dès l’année prochaine, il pourra bénéficier d’un bracelet probatoire à libération conditionnelle ». Le « gamin de 21 ans », comme il l’appelle, sera donc dehors dès l’année prochaine. Réaction de Me Versini, qui pointe les véritables responsabilités dans ce laxisme judiciaire à l’annonce de son confrère : « C’est la loi, qui à mon sens est mal faite et qu’il faudrait refaire, mais je ne suis pas parlementaire. »
Rien ne va, dans cette affaire : le déroulement d’une soirée qui a très mal tourné, le profil des auteurs de cet acte atroce, la violence des faits, l’enchaînement tragique, la barbarie de cette mort d’une jeune femme pleine de promesses, le verdict, le comportement de l’entourage des condamnés qui s’en est pris avec violence aux policiers à la sortie du palais de justice (deux policiers blessés) et jusqu’aux aux menaces à l’encontre des journalistes filmant la scène. Ce n’est malheureusement qu’un triste instantané de ce qu’est devenue la société française, en voie (rapide) de barbarisation.
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