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Les idiots utiles de la technocratie

230206

La discussion du projet gouvernemental de rafistolage des retraites d'État, dites par répartition, a donc commencé à l'Assemblée nationale ce 6 février. La date vit trembler le régime, il y a près d'un siècle de cela, en 1934. Cette évocation symboliquement désuète résume à elle seule les limites de l'épure, comme un hommage rétrospectif à la nostalgie des ligues antiparlementaires de la troisième république.

Moins d'une heure après l’ouverture de la séance, la très macronienne Yaël Braun-Pivet, présidente de l’Assemblée nationale, se montrait déjà excédée par les cris et la fureur du petit peuple des députés. Et de s'écrier ainsi : "Est-ce que vous croyez que nous allons passer quinze jours comme cela dans l’Hémicycle ?" Et la réponse fuse alors, par dizaines, des rangs parlementaires, c'est : "Oui !!!"

Cette fois en effet le désordre ne se répandait pas dans la rue, mais au sein même du Palais Bourbon. L'opposition de gauche et d'extrême gauche, feignant de déposer des milliers d'amendements redondants provoque la thrombose de la procédure. Paradoxalement, peut-être consciemment, cette tactique récurrente, inventée au XIXe siècle par les députés irlandais au parlement de Westminster produit aujourd'hui un effet boomerang en France : son utilisation par LFI ouvre la voie à l'utilisation par le pouvoir exécutif d'une disposition trop souvent oubliée de la constitution de 1958.

L'article 47 a été modifié en 2008. Il impose en effet désormais des délais encore plus contraints, au bout desquels, s'agissant des projets de loi de financement de la sécurité sociale "si le Parlement ne s'est pas prononcé dans un délai de 50 jours, les dispositions du projet peuvent être mises en œuvre par ordonnance." Or, depuis la réforme constitutionnelle concoctée par Juppé en 1996, les questions relatives à l'assurance vieillesse entrent dans un tel cadre.

Non seulement la pagaille parlementaire attisée par l'extrême gauche accélère le recours à cette solution de dernière minute, mais elle le légitime quelque peu aux yeux de l'opinion. Sans cela, on crierait à la technocratie : grâce aux idiots utiles, grandes gueules de la NUPES, toute la frange des partisans de l'ordre, de l'ordre à tout prix, avec un petit o, peuvent se rallier sans trop broncher au projet du gouvernement.

Tel est sans doute le scénario le plus désirable pour les gens de Bercy. Et si un épisode violent, vrai black-bloc et faux gilets jaunes, venait à l'aggraver dans les manifestation programmées le 7 et le 11, la boucle se bouclerait encore mieux.

Les salariés du secteur privé et surtout les fonctionnaires modestes, lorsqu'ils manifestent leurs inquiétudes pour les perspectives de leurs droits à la retraite servent eux-mêmes d'infanterie au seul bénéfice des grands habiles super-privilégiés de la haute administration.

Cynisme total, le projet gouvernemental vise essentiellement à permettre à l'État central parisien de continuer à emprunter sur les marchés internationaux en dissimulant la réalité délabrée des finances publiques. En 2001, le gouvernement dirigé par Lionel Jospin mettait en place un prétendu Conseil d'Orientation des Retraites. C'est cet organisme qui établit et diffuse les comptes prévisionnels de l'assurance vieillesse. Au début composé exclusivement de hauts fonctionnaires il fut critiqué comme tel par quelques mauvais esprits, dont votre chroniqueur s'honore d'avoir fait partie au titre du CDCA et de la défense des travailleurs indépendants, il a été élargi, depuis, dans l'esprit d'un fonctionnement désormais synarchique, au sens littéral du mot : on y nomme donc, par décrets, divers bureaucrates requis pour applaudir aux travaux de la citadelle Bercy.

Une chose n'a pas changé depuis 20 ans dans les évaluations fluctuantes du COR : d'une part il refuse de prendre en compte le déséquilibre entre les cotisations de la fonction publique et les versements annuels du budget au titre de leurs pensions. Ce déficit inavoué était évalué à quelque 50 milliards en 2013.(1)⇓ La dernière réforme en date, portée par Marisol Touraine en 2014, se voulant "loi du 20 janvier garantissant l’avenir et la justice du système" n'y a strictement rien changé.

Il semble voué désormais à dépasser 70 milliards. Or, il se trouve fictivement ramené à "zéro" en vertu d'un adage qu'on rapporte, peut-être abusivement, mais on ne prête qu'aux riches, à François Hollande "ça ne coûte rien, c'est l'État qui paye".

D'autre part, corollaire de ce déni de déficit, on se refuse aussi à incorporer dans la dette du pays la valeur des paiements auquel l'État devra procéder vis-à-vis de ses propres salariés... Cet engagement bien réel figure, au titre de l'INPS, dans la dette nationale l'Italie : nos voisins transalpins, sont endettés  à 140 % de leur PIB. On doit donc ajouter aux 2 917 milliards, calculés par l'Insee, soit113 % du PIB français,  une estimation de cette dette cumulée des retraites de la fonction publique, soit une valeur actuarielle supérieure à 1 500 milliards : total 4 500 milliards, plus de 160 % du PIB.

Le jour semble s'approcher où les marchés financiers internationaux... comprenant que Paris est plus endetté que Rome, ... soupçonnant de tricherie les cadors de Bercy, ... prenant acte du fait que depuis plus de 30 ans l'administration hexagonale n'a jamais exécuté ses engagements de stabilité pris à Maastricht en 1991 puis confirmés à Amsterdam en 1997, ... observant que la Commission des Finances est présidée par l'inepte député LFI Éric Coquerel...qu'adviendra-t-il dès lors ? sinon qu'ils refuseront de prêter plus avant à l'État français pour solder ses comptes.

JG Malliarakis

Apostilles

  1. cf. Les Échos du 26 novembre 2013 : "Cette année, les cotisations des fonctionnaires en poste ne représenteront qu'un peu plus de 25 % du montant des pensions versées aux anciens fonctionnaires à la retraite. (...) A titre de comparaison, à la CNAV, le régime de base des salariés du privé, les cotisations versées par les salariés et les employeurs représentent 83 % du montant des prestations versées."

https://www.insolent.fr/2023/02/les-idiots-utiles-de-la-technocratie.html

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