Une fois de plus, il n’existe pas de problème de fond qu’une absence de décision ne puisse résoudre. D’où les résolutions prises par les intervenants, appelant au « renforcement immédiat des moyens existants, face à une pression migratoire à son plus haut niveau depuis 2016 ». En effet, « quelque 330.000 entrées irrégulières sur le territoire de l’Union européenne ont été enregistrées en 2022 », nous disent Les Échos, pas spécialement le journal le plus en pointe en matière de lutte contre la pression migratoire extra-européenne.
Pour le reste, l’habituel catalogue des mesures prises le torse bombé au nom des grands principes, mais jamais appliquées pour cause de ventre mou et de bons sentiments. Il y est donc question de « reconduites aux frontières », seules 21 % de ces dernières étant aujourd’hui effectuées. Et encore « d’intensifier la coopération » avec les pays d'origine des migrants, autre antienne devant l’Éternel.
Puis il y a Europe et Europe. Au cœur historique de cette dernière ? Le fantasmatique couple franco-allemand, dont on sait depuis longtemps qu’il fonctionne de guingois. Au moins ce couple à la Dubout – grosse dame vindicative et petit monsieur craintif – peut-il se réconcilier sur un point : la résolution commune relative à l’immigration interdit, de fait, d’évoquer toute forme de barrières physiques censées nous protéger de ce péril.
Et Emmanuel Macron de surenchérir : « Je pense qu’on a évité justement des mécanismes de stigmatisation avec lesquels, par exemple, la France comme l’Allemagne ne sont pas à l’aise. » Construire des murs ? Paris et Berlin ne semblent pas être mûrs sur la question.
Mais il y a aussi une autre Europe, celle des marches de notre berceau civilisationnel, en première ligne face à ce que le défunt président Valéry Giscard d’Estaing, nommait jadis une « invasion ». Il y a évidemment les nations de l’Est, peut-être plus « à l’aise » sur ces sujets, dont la Bulgarie et la Roumanie. Mais aussi l’Autriche et, fait nouveau, les États du nord, dont le Danemark, sortis de leur traditionnelle léthargie quant à la question migratoire.
Bref, à en croire les technocrates européens, il faudrait construire des murs autour de l’Europe, mais sans le dire, lutter contre l’immigration clandestine, mais sans le faire, se dire Européens, mais tout en ayant honte de l’être, et, surtout, honte de persister à le demeurer. En attendant, deux conclusions s’imposent.
La première : l’Europe des 27 n’est que vue de l’esprit, chacune des nations la composant persistant à défendre ses intérêts propres ; ce qu’on ne saurait décemment leur reprocher. Mais jamais la somme de priorités particulières ne saurait déboucher sur un objectif commun.
La seconde : c’est que, bon an mal an, la France, même sous domination hypnotique macronienne, demeure la seule nation à tenter de faire valoir à la fois la voix d’une nation mal portante et celle d’une Europe à bout de souffle, face aux menées américaines et à ses vassaux, Pologne et Allemagne au premier chef. Des nations qui, sous couvert d’adouber un embryon de défense européenne, sont les premières à acheter des armes états-uniennes et à se plier aux injonctions de la Maison-Blanche en matière de politique étrangère.
Les « cabris », raillaient naguère le général de Gaulle en évoquant ces Européens en peau de lapin… Des « veaux », dirions-nous plutôt, pour paraphraser l’une de ses expressions plus ou moins apocryphes.
Nicolas Gauthier
https://www.bvoltaire.fr/immigration-leurope-decide-de-ne-rien-decider/