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Procès d’une « revenante » de Daech : l’islam, ce sont les musulmans qui en parlent le mieux

Amandine Le Coz a 32 ans. Elle passait en jugement, ce vendredi 3 mars, pour avoir rejoint les rangs de ce qui fut naguère l'État islamique en Irak et au Levant, plus connu sous son acronyme : Le Monde livrait le jour même un compte rendu exhaustif de la dernière journée de son procès. Un parcours instructif.
De 2014 à 2018, cette jeune femme a séjourné en Syrie. Elle a ensuite été détenue pendant dix-huit mois dans un camp de prisonnières sur place, avant d'être expulsée vers la France. La cour, qui s'est réunie exprès pour statuer sur son cas, voulait en savoir plus sur elle, sur sa personnalité et sur ses motivations. Elle n'a pas été déçue. Nous non plus.

Contrairement à certaines personnes qui s'imaginent que les femmes de  sont, uniformément, des fanatiques indécrottables, la vulnérabilité de celle-ci a quelque chose de touchant, d'émouvant presque. Immature et pas très futée, selon les experts qui l'ont examinée, elle a toujours été en grande difficulté à l'école, dès le primaire. Envoyée dans une classe d'enseignement adapté, les tristement célèbres SEGPA [sections d'enseignement général et professionnel adapté, NDLR], honteuse de se trouver « bête », souffrant d'un complexe d'infériorité, elle a bu et s'est droguée. Elle a essayé tous les looks et toutes les étiquettes possibles, toutes les identités « en kit » du monde moderne... jusqu'à se convertir à l'islam, à 23 ans. Les raisons de son choix méritent d'être citées en entier : « J’ai pas du tout confiance en moi, j’ai peur des regards. Je me sentais bête. Quand j’ai connu l’islam, j’ai vu une communauté égale, c’est ce qui m’a plu. J’y ai trouvé une appartenance. Y a pas besoin de connaître un texte par cœur pour se convertir, pas besoin d’être intelligent pour être musulman. Au catéchisme, je ne comprenais rien, et dans la religion juive, on met sept ans pour se convertir… »
Plusieurs éléments doivent être relevés. D'abord, Amandine Le Coz cherchait une identité, une appartenance. C'est le cas de la plupart des gens de sa génération, qui n'ont ni famille, ni éducation, ni ancêtres, ni culture générale. Une génération qui a été élevée pour consommer et mourir a nécessairement la nostalgie du sacré. Pas si bête qu'elle le pense, Mme Le Coz a ensuite comparé les religions monothéistes : elle ne comprenait rien au catéchisme catholique (quand on sait ce qu'il est devenu...) et ne pouvait pas attendre sept ans pour devenir juive. La conclusion est fulgurante : « Pas besoin de connaître un texte par cœur pour se convertir, pas besoin d'être intelligent pour être musulman. »
Après le rejet de ses parents (que sa conversion effrayait), puis une vie affective chaotique, un mariage avec un combattant de  qui la battait et la violait, pour finir par un an et demi de détention en Syrie, Amandine Le Coz veut être prise en charge par une unité de déradicalisation pour « apprendre à penser ». Elle a écouté pendant des années son directeur spirituel, un certain Abou Merguez (ça ne s'invente pas), qui lui promettait d'aller griller en enfer (d'où son pseudo, peut-être) si elle quittait son mari violent. Cette volonté de s'émanciper par le savoir, objectivement plus que respectable, se heurtera peut-être en réalité au bourrage de crâne des « valeurs de la République » distillées par des profs soigneusement choisis. On verra. La Providence fera son travail. Mais on ne peut s'empêcher de trouver cette décision tardive assez admirable.
Amandine Le Coz a été condamnée à dix ans de prison. La sentence a été rendue dans un jargon juridique qu'elle n'a pas compris. « La cour a considéré que vous aviez fait des efforts, mais vous avez encore besoin d’en faire et d’être accompagnée… », lui a expliqué le président avec des mots plus simples. « Effectivement. Merci, Monsieur le Président », a timidement répliqué la jeune femme.
Combien d'Amandine Le Coz, femmes fragiles et perdues, converties à l'islam pour pouvoir enfin appartenir à quelque chose, et parce qu'il n'y a (quel aveu !) « pas besoin d'être intelligent pour être musulman », y a-t-il, en France ? Dans cette trajectoire délétère, la défaillance du modèle sociétal français est complète : parents indifférents, profs nuls, Église aux abonnés absents. Pas d'objectif, pas de confiance en soi, un besoin de faire partie de quelque chose de plus grand.
On notera tout de même, pour conclure, la surprenante mansuétude du Monde, qui voit en Amandine Le Coz « un cœur simple aspiré par la haine djihadiste ». La rédac du Monde connaît le conte de Flaubert, l'intéressée non. Ça commence par là. Aurait-on imaginé, en 1945, un titre du genre « Procès de la division Charlemagne : Christian de La Mazière, un cœur simple aspiré par la lutte contre le communisme » ? Reconnaissons cependant que, pour une fois, le personnage de cette revenante, combien représentatif de ce que la France est devenue, suscite plus d'empathie que d'habitude.
Arnaud Florac

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