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Cour des comptes : les gouvernements de Macron, accros aux cabinets de conseil

Solution de facilité ? Situation de dépendance ? Ou véritable addiction ? Plus d’un an après le rapport au vitriol des sénateurs qui dénonçait le recours « tentaculaire » de l’État aux cabinets de conseil, la Cour des comptes, dans un document de 150 pages rendu public ce 10 juillet, s’inquiète elle aussi de la mauvaise gestion et des folles dépenses engendrées par cette pratique.

Des millions d’euros versés chaque année

Opacité. À l’instar du Sénat qui regrettait « un manque de transparence », les experts de la rue Cambon s’alarment des difficultés rencontrées pour obtenir des informations complètes à propos du recours aux cabinets de conseil. Par manque de cadre juridique commun, clair et précis sur le sujet, la Cour des comptes constate que les ministères « se sont révélés dans l’incapacité de présenter de manière rapide, précise et fiable la liste des marchés passés par eux avec des cabinets de conseil ». Résultat : impossible de rassembler avec rigueur les commandes passées, à moins d’un travail laborieux. Et difficile, donc, d’évaluer le montant précis des « prestations intellectuelles » livrées par les cabinets de conseil aux différents ministères.

Dans son rapport, après une enquête minutieuse, la Cour des comptes parvient à estimer que ces dépenses « se sont élevées à près de 890 millions d’euros (TTC) en 2021, contre 617,8 millions d’euros en 2020 et 539,3 millions d’euros en 2019 ». En 2022, après la pression médiatique, ces dépenses semblent, selon les premières estimations, avoir sensiblement diminué. À noter, tout de même, que près de trois quarts des sommes versées aux cabinets de conseil concernent le domaine informatique, dans lequel l’administration, du fait du haut niveau d’expertise requis, ne dispose pas toujours des compétences nécessaires.

Des sommes importantes qui, certes, ne représentent que 0,04 % des dépenses engagées par l’État, mais qui n’ont cessé d’augmenter sous la présidence Macron. Entre 2017 et 2021, elles ont ainsi « triplé », notent les experts. Et ce, alors qu'« aucune explication d’ensemble, cohérente et générale ne peut être fournie de l’augmentation au recours à des cabinets de conseils privés », révèle l’enquête. Au contraire, cette évolution est davantage « constatée » que « décidée ou anticipée », regrettent les sages de la rue Cambon.

Abus et dérives

Et les dérives de ces recours sont fréquentes, voire inquiétantes. Si la Cour des comptes concède que l’emploi de cabinets de conseil peut être justifié – pour répondre à un besoin ponctuel, accélérer le rythme des réformes ou pallier un manque de compétences de l’administration –, il n’en demeure pas moins que les cabinets sont rapidement devenus « une solution de facilité ». Plutôt que de faire confiance à l’administration, les ministères ont, dans certains cas, choisi de se tourner vers les cabinets privés pour leur confier des tâches relevant pourtant du « cœur de métier » des fonctionnaires. En 2018, le ministère de l’Éducation nationale a ainsi confié à deux cabinets de conseil (EY et Boston Consulting Group) une mission sur la réorganisation de la direction générale de l’enseignement scolaire, alors même que l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (IGESR) disposait des compétences nécessaires. Sans parler des missions régaliennes confiées à des cabinets privés.

Mais, plus grave, il arrive que ce recours fréquent aux cabinets de conseil finisse par instaurer une situation de dépendance. En 2020, quand le gouvernement confie à McKinsey la tâche de réfléchir aux évolutions du métier d’enseignant – mission qui, rappelons-le, s’est traduite par la simple production de diapositives –, « l’administration s’est mise dans une position de dépendance vis-à-vis des cabinets qui ont établi eux-mêmes » les délais et les rendus nécessaires. De même lors de la campagne de vaccination. Si la Cour reconnaît la compétence de McKinsey, elle regrette « la place déterminante » du cabinet qui a limité « la capacité du ministère à s’assurer de la qualité des travaux des consultants ». Ce qui induit, d’une part, « une situation de dépendance » et, d’autre part, « une charge financière élevée » (près de 2.800 euros par consultant et par jour).

Depuis les révélations de la presse sur l’influence grandissante des cabinets de conseil sous la présidence Macron, une proposition de loi pour « encadrer » ces pratiques a été adoptée par le Sénat à l’automne dernier. D’ici sa promulgation, la Cour des comptes recommande donc de freiner le recours aux cabinets de conseil.

Clémence de Longraye

https://www.bvoltaire.fr/cour-des-comptes-les-gouvernements-de-macron-accros-aux-cabinets-de-conseil/

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